Le flot de la rentrée et de ses belles parutions (2015 est un bon cru) m’a littéralement submergée de lectures. Une pile d’ouvrages, chatouille le plafond du bureau, attendant la caresse oculaire de leur découverte….
Pour vous faire patienter, voici, fournis par les éditeurs, les arguments d’ouvrages qu’ils m’ont envoyés – qu’ils en soient remerciés – je ne désespère pas de vous offrir, pour l’un ou l’autre, prochainement, chronique d’une véritable lecture…
Troisième des quatre volets (quatrième volet: demain) :
Londres, à l’aube de la Première Guerre. John refuse de s’enrôler, à l’inverse de son meilleur ami Martin, mû par un patriotisme vibrant. Bercé par Keats et Thackeray, John préfère se consacrer à la littérature, loin de la violence du conflit. Mais celle-ci ne va pas tarder à se rappeler à lui lorsqu’il découvre une terrible lettre, que son père, facteur, a omis de remettre à la mère du jeune soldat.
Fresque d’une période où les notions de courage et de lâcheté paraissent soudain floues, Courrier des tranchées raconte le gouffre entre l’exaltation de la guerre et son effroyable réalité. En virtuose de la construction romanesque, Stefan Brijs donne chair à des personnages déchirants, portés par une intrigue ingénieuse qui surprendra le lecteur jusqu’à la dernière page.
Courrier des tranchées, Stefan Brijs, roman traduit du néerlandais (Belgique) par Daniel Cunin, Ed. Héloïse d’Ormesson, aoûr 2015, 592 pp
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Je savais que Felix Mendelssohn le compositeur (1809-1847) était le petit-fils de Moses Mendelssohn le philosophe (1729-1786), et longtemps je n’en ai pas pensé grand-chose. Un jour pourtant, j’ai pensé à l’homme qui avait été le père du premier et le fils du second. Quel merveilleux sujet de roman, m’étais-je dit alors. D. M.
Au retour d’un séjour marquant à Berlin, Diane Meur, fidèle à son goût pour les filiations, décide de mener l’enquête sur Abraham Mendelssohn, banquier oublié de l’histoire, qui servit de pont entre le Voltaire allemand et un compositeur romantique plus précoce encore que Mozart. Mais comment ne pas remonter d’abord à l’origine, à Moses, le petit infirme du ghetto, qui à onze ans maîtrisait Torah et Talmud, à quatorze ans partit seul sur les routes rejoindre à Berlin un professeur bien-aimé ? Comment, en pleines années 2010, ne pas se passionner pour cet apôtre de la tolérance, grand défenseur de la liberté de culte et d’opinion ? Et, accessoirement, père de dix enfants dont le banquier Abraham n’était que le huitième…
Happée par son sujet, l’auteur explore cette descendance, la voit s’étendre au globe entier et aux métiers les plus divers, jusqu’à une ursuline belge, des officiers de la Wehrmacht, un planteur de thé à Ceylan. Même quand on est, comme elle, rompue aux sagas familiales d’envergure, impossible de tenir en main cette structure : l’arbre généalogique se transforme en carte, La Carte des Mendelssohn, qui envahit d’abord la table de son salon, puis le projet lui-même.
Le roman devient dès lors celui de son enquête, une sorte de Vie mode d’emploi où la famille tentaculaire apparaît comme un résumé de l’histoire humaine. La romancière nous enchante par ses libres variations sur les figures les plus tragiques ou les plus excentriques, tout en nous dévoilant ses sources, sa chronologie, et en mêlant sa propre vie à la matière de son livre.
Tour de force d’un écrivain qui jamais ne perd le nord, La Carte des Mendelssohn finit par mettre à mal toute idée de racines, et par donner une image du monde comme un riche métissage où nous sommes tous un peu cousins.
La carte des Mendelssohn, Diane Meur, roman, Ed. Sabine Wespiesser, août 2015, 496 pp
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La nuit descend sur Vienne et sur l’appartement où Franz Ritter, musicologue épris d’Orient, cherche en vain le sommeil, dérivant entre songes et souvenirs, mélancolie et fièvre, revisitant sa vie, ses emballements, ses rencontres et ses nombreux séjours loin de l’Autriche – Istanbul, Alep, Damas, Palmyre, Téhéran… –, mais aussi questionnant son amour impossible avec l’idéale et insaisissable Sarah, spécialiste de l’attraction fatale de ce Grand Est sur les aventuriers, les savants, les artistes, les voyageurs occidentaux.
Ainsi se déploie un monde d’explorateurs des arts et de leur histoire, orientalistes modernes animés d’un désir pur de mélanges et de découvertes que l’actualité contemporaine vient gifler. Et le tragique écho de ce fiévreux élan brisé résonne dans l’âme blessée des personnages comme il traverse le livre.
Roman nocturne, enveloppant et musical, tout en érudition généreuse et humour doux-amer, Boussole est un voyage et une déclaration d’admiration, une quête de l’autre en soi et une main tendue – comme un pont jeté entre l’Occident et l’Orient, entre hier et demain, bâti sur l’inventaire amoureux de siècles de fascination, d’influences et de traces sensibles et tenaces, pour tenter d’apaiser les feux du présent.
Boussole, Mathias Enard, roman, acte Sud, août 2015, 400 pp
Il ne vous aura pas échappé – rassurez-moi – que Matthias Enard est l’heureux attributaire du Prix Goncourt 2015. Ma tentative de lecture aura échappé à son attrait; sans doute manqué-je d’un certain GPS...
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A lire en famille, dès 13- 14 ans et en ce temps de vacances scolaires…
Terrorisme, fondamentalisme, droits des femmes, asile, extrémisme, sécurité… Autant de dossiers qui font inlassablement la Une, jour après jour. Autant de questions dont vous avez tous débattu ou, du moins, entendu parler.
Mais qu’en pensez-vous vraiment ? Avez-vous eu l’occasion de forger votre opinion, hors des slogans et des discours médiatiques ?
Quatorze voix vous aident à y voir plus clair. À travers ses histoires, ce sage peuple des lumières explore les facettes les plus profondes et complexes de l’humanité et vous invite à la rencontre de l’autre dans ses richesses et sa diversité.
Le peuple des lumières, Abdalaziz Alhamza, Frank Andriat, Yahia Belaskri, Jean Claude Bologne, Vincent Engel, Fariba Hachtroudi, Hubert Haddad, Jean Jauniaux, Françoise Lalande, Fouad Laroui, Grégoire Polet, Ingrid Thobois, Bernard Tirtiaux, Frédérick Tristan, Obion (couverture), nouvelles, Ed. Ker (Double jeu), 2015, 204 pp
J’ai également parlé du livre de Stefan Brijs sur mon blog des écrivains belges, mais je ne l’ai pas acheté et lu. Si les journées pouvaient compter plus de 24h…