De retour de Grignan…
En guise de bilan
Centrée sur les Lettres familiales, la 22e édition du Festival de la correspondance de Grignan, s’achevait, ce samedi 8 juillet, auréolée d’un franc succès.
Gradins, chaises et strapontins plus que combles accueillaient un public fervent, heureux de rencontrer écrivains, journalistes et comédiens, lesquels avaient, le plus souvent, sacrément bien préparé leurs interventions.
L’adaptation de la plupart des correspondances par Agnès Akerib et Virginie Berling (ed. Triartis ) confirme, une nouvelle fois, le sérieux de l’entreprise . Une valeur sûre croyez- m’en. Des extraits choisis se dégage une ligne de conduite, d’atmosphère qui rend le portrait des correspondants particulièrement éloquent.
Jugez-en…
Portée par le poignant duo père-fille de Richard et Romane Bohringer, la correspondance de Jack London à sa fille – de 12 ans – Joan , captive d’une ex-épouse « stupide » suscita grande émotion dans les rangs.
La rencontre des Tesson, père et fils – Philippe et Sylvain – se fit joute verbale de toute haute volée. Reliés par un scepticisme, un relativisme, cultivés au sein du cercle familial, Philippe et Sylvain les déclinent de façon différente, à la mode de Voltaire et du siècle des Lumières pour le premier, sur un mode plutôt stoïcien pour le second, « resté [selon ses propres dires]dans l’obscurité« . Maniant le verbe et les paradoxes jusqu’à plus soif – il faisait en effet caniculaire en cette cour des Adhémar – père et fils ont incarné une correspondance à ce point intime et suprême qu’elle se passe ….d’expression . N’est-ce pas là paradoxe suprême pour une lignée de « bavards » assumée. Et Sylvain Tesson de s’exclamer : » Nous aimons tellement parler qu’il nous est arrivé de dire n’importe quoi plutôt que des vérités. » .
Grand(iose) moment fut également la lecture – dépêchée dans la salle des fêtes – des lettres de Mozart aux siens. Un Mozart, très jeune, incarné par un Lorenzo Lefebvre de génie. Les extraits étaient ponctués de morceaux de piano et violons et d’aria sublimement interprétés par la soprano Jeanne Zaepfel.
La journée de vendredi 7 juillet fut celle des mères .quelque peu indignes, Calamity Jane, Jeanne Forestier (mère de Paul Léautaud) et Madame Claudel, en filigranes, qui laissa végéter sa fille Camille en l »asile de Montdevergues.
Saluons la belle prestation de Laurence Côte, en Calamity Jane désarmante de coeur, d’amour et de solitude, celle de Judith Chemla, en Jeanne Forestier , aux présence et diction remarquables.
La lecture-performance baroque des premières lettres de séparation de la marquise de Sévigné d’avec sa fille , surprit l’assistance d »un art déclamatoire ..déconcertant. Il fallait oser, tenir sur la longueur. Julia de Gasquet et Louise Moaty relevèrent le défi, qui incarnaient en grâce et alternance une marquise pleine de verve. Une conversation s’engagea ensuite avec l’assistance qui démontra toute la mesure du travail de « réactivation » baroque et la maîtrise de ses interprètes..
Quelques moments choisis, de nombreuses, joyeuses rencontres, sous le soleil omniprésent et l’accueil chaleureux des habitants de Grignan.
Une édition de toute haute volée, portée par l’enthousiasme de son président-fondateur, Bruno Durieux, maire de Grignan, la direction artistique de Julia de Gasquet, celle, logistique et de tous les fronts de Marie-Josèphe Baquet, efficacement assistée d’une centaine de bénévoles de la bourgade.
Vive la correspondance ….
Rendez-vous est pris pour 2018 et une nouvelle édition, dédiée .. aux lettres belges !
Apolline Elter
que faut-il comprendre par « réactivation baroque » de la déclamation? qu’on roulait les R et disait « rouet » pour « roi », ou s’agit-il d’autre chose que de prononciation Grand Siècle?
(lettres belges, aha, je vais devoir reconsidérer une deuxième tentative, malgré l’échec de la première ;-))
Vous avez parfaitement cerné la réactivation baroque de la langue, chère Adrienne. Ajouté à cela que les finales aussi étaient prononcées, toujours appuyant sur son « s » et les finales en « ent » adoptant ce ton chantant qui les rendaient, pour le coup, bien provençales.. Un art déclamatoire qui s’assume comme tel, affirma Louise Moaty, sans chercher à reproduire le parler de la « vraie vie »
Oui, mille fois oui, chère Adrienne, réservez l’édition 2018: vous ne serez pas déçue.. je pense
Belle journée à vous et belles vacances méritées
Amicalement,
Apolline