« C’est aussi pour cela que je dois rencontrer les Allemandes. Pour débusquer la part d’elle-même que ma mère a laissée ici. Celle qui n’a pas trouvé la gare. Une intuition ténue me souffle que c’est en remontant le fil de l’histoire des Allemandes que Lili se laissera deviner. »
C’est à un voyage ferroviaire dans le temps, ponctué de quatre stations et d’un terminus – entendez une clef de l’énigme – que nous convie la romancière dont nous avons tant apprécié Laissez-nous la nuit ( , roman, Ed. Grasset, janvier 2020 – billlet de faveur sur votre site préféré)
Une nouvelle enquête, en quelque sorte.
Soucieuse de percer un mystère attaché à l’enfance de sa mère – Lili – et du coup, à la sienne propre – et à un hameau du Cantal, siège de sa famille maternelle, Pauline Clavière y retourne, en décembre 2022, en compagnie de Lili.
Les deux femmes séjournent à l’Hôtel du « Bout du monde » et rencontrent tour à tour les derniers protagonistes d’une histoire qui a secoué la bourgade, fin des années ’70
A savoir, l’arrivée, le 14 juillet 1977, de deux « Allemandes » en réalité une Allemande, Brunehilde et une Suissesse, Mariella et leur installation énigmatique dans un lieu-dit alentour.
Méfiance et langues se déchaînent peu à peu – on les taxe de sorcières, voire de terroristes tout droit échues de la bande à Baader ; seuls Antoine Carette et Jean Rivière – père de Lili – leur offrent un accueil respectueux, surmontant l’ostracisme encore réservé aux Germaniques
Antoine Carette voue en effet une reconnaissance à la famille allemande qui l’a accueilli avec humanité pendant trois ans, dans la ferme d’Unna, tandis que sévissaient la guerre et les travaux forcés.
Sondant en alternance les trois périodes distinctes – les années de guerre – l’installation des « Allemandes » dans le « Wonderland’ – et le séjour de fin 2022 – la romancière tisse le canevas de plus en plus limpide d’événements liés, nous prend aux rets de révélations savamment dosées.
Un canevas introspectif soutenu d’une belle écriture
Apolline Elter
Wunderland, Pauline Clavière, roman, Ed Albin Michel, août 2024, 398 pp