« Je suis né à quinze ans. C’est un âge raisonnable pour expédier cette formalité: toutes les connexions sont établies, le cerveau fonctionne par à-coups violents, comme les muscles, alternant les surrégimes et les pannes techniques. L’esprit et le corps sont en alerte. À quinze ans l’aiguille du désir est en permanence dans la zone rouge du compteur, le pied appuie à fond sur la pédale d’accélération, aspirant dans la tuyauterie toutes sortes de liquides inflammables. »
Quinze ans, c’est précisément l’âge qu’a Jean-Marie Laclavetine à la mort d’Anne, sa soeur aînée.
. Les faits se déroulent, le 1er novembre 1968, sur la plage de la Chambre d’Amour, près de Biarritz, où le jeune fille se promène, accompagnée de Gilles, son fiancé, de Bernard et Jean-Marie, deux de ses frères,. Les fiancés sont emportés par une vague d’une puissance insidieuse… Gilles survit, Annie périt d’épuisement dans sa lutte contre la noyade. Elle a vingt ans.
Il faudra cinquante ans et la mort de ses parents pour que l’écrivain se résolve, soutenu de sa fratrie, de sa famille, à briser le tabou de cette « douleur simplement indicible » , « tombeau de silence » dans lequel sa soeur, « l’amie de la famille » est engloûtie.
» Le silence a rongé celle qu’il était censé préserver »
Avec tact, respect, amour, Jean-Marie Laclavetine convoque ses souvenirs – défaillants, déformants, recomposés, … les confronte à ceux des témoins survivants, aux relations des journalistes.
Les mots tâtonnent, raisonnent .. et résonnent avac tant de sobre justesse que le lecteur est saisi d’empathie
De vie aussi. Car le récit restaure celle d’Annie
Annie . .l’aime te retronver telle que tu étais. Directe, abrupte, désemparée, furieuse, triste parfois, insatisfaite , en même temps aimante, générense, rieuse, affamée de vie et de plaisir. |
Une lecture hautement recommandée
Apolline Elter
Une amie de la famille, Jean-Marie Laclavetine, récit, Ed. Gallimard, février 2019, 192 pp