« Isabella m’a tué. Par ses gestes, ses regards et ses paroles, elle n’a cessé de me renvoyer à mon cancer et à ma mort ». »
Le deuil dévastateur d’un très grand amour – celui qui porte Antoine vers Isabella et le partage de six ans de vie commune – invite le narrateur à en consigner « la vie et la mort (…) en rassemblant les images dispersées dans ma mémoire pour les graver à jamais dans le marbre d’un livre, leur tombeau« .
Le ton du roman est donné, qui livre le récit d’une maladie – le narrateur est atteint d’un cancer de la prostate aux effets dégradants – du désenchantement nervalien d’un incurable Don Juan et d’une série de confessions dénuées de concessions:
« Voilà ma tragédie: je suis un homme. Autrement dit, le seul animal de la Création qui a sa queue devant et ne cesse de courir après«
« Quand l’amour est heureux, vous êtes ridicule, et s’il est malheureux, vous l’êtes plus encore. Dans les deux cas, c’est du radotage. »
« Je n’écrivais presque plus. La vie me prenait trop de temps. Je ne crois pas que la littérature en souffrait. Moi non plus. »
Forçant les traits d’une supposée lâcheté, le narrateur relate avec brio et cran les étapes de sa déchéance. Et c’est sans doute parce qu’il peut mener l’autopsie d’un si grand amour à terme – et en termes choisis – que’Antoine Bradsock fera renaître de ses cendres la sérénité incendiée.
Apolline Elter
Un très grand amour, Franz-Olivier Giesbert, roman, Gallimard, décembre 2009, 254 pp, 17,5 €
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