« Les trois amis lui font face, dans un tableau qu’encadre l’armature en acier de la verrière. Johar et Rémi sont assis l’un à côté de l’autre. Étienne, debout derrière eux, leur fait goûter le bourgogne qu’il est allé chercher à la cave ce soir. Sous la lumière dorée des suspensions que ce dernier vient d’allumer, Rémi fait tournoyer dans son verre la première lampée, d’un rouge sang, un sourire d’anticipation heureuse sur le visage. Étienne caresse l’étiquette de la bouteille. »

Quoi de plus agréable et banal à la fois, qu’un simple dîner, entre amis, un soir d’été, à Paris.

Claudia et Etienne ont en effet invité Johar et Rémi

Pas de quoi en faire un plat, ni même un roman..

Quoique …

Souvenez-vous du Dîner ( Herman Koch), des Dieux du carnage ( Yasmina Reza) des films Le Prénom, Cuisines et dépendances … et vous frémirez.

Comme frémit Claudia, plaquetée de taches rouges – d’anxiété – tandis qu’elle s’affaire aux fourneaux, sous la fournaise et le regard courroucé de son conjoint

Comme s’impatiente Etienne qui doit absolument obtenir de Johar la promesse d’un contrat

Comme hésite Johar qui doit conclure ce soir, d’un appel téléphonique, le tournant crucial  de sa carrière

Comme frémit Rémi pour des raisons que nous tairons

Vous l’aurez compris, l’atmosphère en huis-clos est lourde de non-dits et de possibles infléchissements de destins

Une soirée incommode, peu propice à la paix des ménages

Une  sobre et subtile introspection au coeur des(non) communications conjugale et amicale, des frustrations engendrées par les dominations mâles, professionnelles et sociales.

« Étienne regarde Claudia retourner à table avec la mine triste d’un chien qui vient d’être battu par son maître. Debout au centre du salon, il tente de se calmer, respire doucement. Il sait combien il est injuste de faire subir à cette pauvre fille toute la violence de son angoisse, et pourtant il ne peut s’empêcher de lire dans l’arc mélancolique des yeux de Claudia une invitation à y essuyer la rage boueuse qui le submerge. Cette soirée le rend fou. »

Une soirée complexe pour quadragénaires somme toute bien solitaires..

Et une tension dramatique rondement bien menée….

Méfiez vous des simples dîners

Apolline Elter

Un simple dîner, Cécile Tlili, roman, Ed. Calmann-Lévy, août 2023, 192 pp