L’enfance, c’est le manteau qui vous pare pour la vie.
On ne se remet pas de l’enfer des premières années, ni de l’amour incommensurable d’une Maman.
C’est sur ce poignant paradoxe qu’est construit le récit autobiographique de Vera Feyder.
Un récit somptueux, de chagrin contenu et de larmes refoulées par une petite fille, dans l’unique perspective d’épargner celles de sa Maman :
« …le bataillon embusqué des larmes me montait à la gorge, et les mots d’adieu à Elise s’y étranglaient » (p 30)
Atteinte de phtisie doublée d’anorexie, la toute jeune enfant subit des séjours longs et traumatisants dans des homes belges, de l’après-guerre, aux allures d’enfer. A côté du « bourbier franchimontois » – le pire de ses séjours en pensionnat – l’univers des Choristes a des allures …d’enfant de chœur.
Un livre marquant, écrit d’une plume dense, magnifique, où chaque mot est pesé, chaque expression, travaillée. Le tragique transperce les mots, sidère le lecteur :
« L’enfance a ses raisons que la raison des adultes ignore. Ou feint d’ignorer. L’enfance orpheline plus qu’une autre : les trous affectifs qu’il lui faut combler sont si grands, le froid du monde s’engouffrant par eux si mordant, que les premières sèves du corps, les premiers élans de l’âme s’y trouvent bloqués, pris dans les glaces. » (p 101)
Le salut viendra du rêve et de la puissance d’imagination qui nourrira la plume de cet auteur d’exception.
Un livre remarquable.
Apolline Elter
Un manteau de trous, Vera Feyder, Le grand miroir, avril 2007, 146 pp.
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