Quand on découvre la vie de Temple Grandin, née à Boston, dans le Massachusetts, le 29 août 1947 et spécialiste mondiale du bien-être animal, on se dit que l’autisme peut revêtir une forme géniale.

Cette success-story, la romancière, auteure de génie, elle aussi, de La double vie d’Anna Song (Actes Sud, 2009), Voyageur malgré lui ( L’Harmattan, 2014)….entreprend de nous relater

Née au sein d’une famille très riche, soutenue d’Eustacia, une mère attentive, Temple Grandin bénéficie très tôt de thérapies empiriques qui aident son autisme « Asperger » à s’adapter le mieux possible à la société.

Son hypersensibilité la rend attentive aux animaux, au stress toxique de ceux qu’on mène à l’abattoir : Temple révolutionne de façon drastique leur prise en charge.

L’enseignement et les inventions techniques de la septuagénaire, docteure en sciences et professeure de zootechnie ont une portée mondiale.

À une époque où personne ne prend en compte le comportement du bétail pour élaborer le design des abattoirs, corrals, fermes ou aires d’affouragement, les propositions de Temple sortent totalement des sentiers battus. La bienveillance y rejoint le pragmatisme, comme vont le comprendre certains gestionnaires. Les bêtes qui s’affolent et se braquent peuvent se cogner et se blesser, et on perd beaucoup de temps à les calmer et à réorganiser leur circulation. Si on les traite avec humanité, elles gagneront en bien-être, le personnel en motivation, l’entreprise en rentabilité. Le processus d’abattage sera plus rapide et efficace, et la viande meilleure, qui, se révèle de bien moindre qualité quand le bétail est stressé et carrément impropre à la consommation quand il est meurtri …. »

En balancier, parfaite alternance « capitulaire  » si j’ose le mot, de ce récit de vie, égrené en courts chapitres, se déploie l’histoire de Paul, né le 6 septembre 2013, enfant de Minh Tran Huy et de son mari Adrien.

La progressive découverte du handicap de leur fils entame un combat dont le parcours est saisissant, effrayant, par moments, véritablement bouleversant.

Aux langues de bois, discours culpabilisants, hypothèses incongrues, incompétence…. professés par des  membres du corps médical, le couple doit opposer toute la force de ses recherches documentaires, conviction, foi et adjuvants placés sur leur chemin pour tenter d’extraire Paul de son silence, de son incapacité de communication. C’est un parcours ingrat, jalonné de progrès mais aussi de stagnations, régressions, de crises et d’un déficit de sommeil qui mettent en péril l’équilibre du couple.

« En jetant toutes nos forces dans une bataille quotidienne contre l’autisme, Adrien et moi avons oublié qu’il s’agissait d’un marathon et non d’un sprint. Nous avons négligé de prendre soin de nous comme il l’aurait fallu et avons du mal à maintenir la tête hors de l’eau. »

Constater le fonctionnement différent du cerveau autistique ne donne pas nécessairement la clef d’accès ni d’adaptation au monde environnant

Et les méthodes qui ont porté ses fruits sur Temple ne fonctionnent pas de la même façon sur Paul

Un autre constat, amer, cette fois, est celui du retard de la France, de sa déficience, en matière d’intégration, d’amélioration de l’autisme.

Le témoignage se fait combat.

La confrontation des évolutions de Temple et Paul, des traits communs à spectres autistiques,   la sobre et documentaire relation de son expérience intime offre une mise en perspective remarquable de ce trouble majeur de la vie en société que représente l’autisme

Une lecture recommandée- elle nous fait grandir, nous ouvre à une meilleure compréhension de l’autisme et une histoire d’amour posée sur l’adorable frimousse de Paul.

Apolline Elter

Un enfant sans histoire, Minh Tran Huy, témoignage, Actes-Sud, août 2022, 210 pp