» Je réapprends ta mort chaque matin. Cette nouvelle vie où je vis avec ta mort, je dois la reprendre à zéro. Tout recommencer. C’est étrange. Comme si ma vie était annulée chaque soir par ta mort. »
Vous ne sortirez pas indemnes de la lecture de ce récit à deux voix – celle de Patricia Vergauwen et de Francis Van de Woestyne – bouleversante lettre d’amour adressée à Victor, leur enfant de treize ans, décédé accidentellement le 4 novembre 2016.
La sidération de la nouvelle à peine intégrée – le sera-t-ele jamais? – les époux empruntent deux voies différentes de gestion de ce deuil insurmontable, l’un, cédant à l’effondrement, l’autre, pédiâtre, s’efforçant de poser les bons gestes, les décisions pragmatiques; de soigner la vitrine de son apparence.
« Ton papa est dans un état que je ne lui connais pas. Je ne le reconnais pas. Il est effondré au milieu des urgences. Je ne sais que faire de ce corps qui prend trop de place, qui fait trop de bruit, qui dit tout haut ce qui hurle en moi : Victor ! Mon Victor ! »
Ce qui les réunit : un profond respect de l’autre, une sincérité poignante, un tâtonnement empathique pour mettre des mots sur l’indicible et cette volonté viscérale de prononcer le nom de leur enfant.
Le chemin de deuil est infini. Il passe par la tentation d’en fini avec la vie.
Cadet d’une famille recomposé , Victor affiche une bouille sympathique, ouverte, à l’affût, une faculté de dire merci, de se préoccuper d’autrui assez rare pour un enfant de son âge. Il est bien dans sa peau, ses baskets , il « gère ».
C’est un enfant aimé. Eminemment sympathique.
Et, fait encore plus rare pour un garçon de cet âge, il aime lire
Alors, pour avancer, avec Victor, dans le sens de la vie, les époux vont créer un fonds – le fonds Victor (https://www.lefondsvictor.be ) qui promeut la lecture auprès des jeunes de 12 à 15 ans
Récit poignant. Récit de partage d’un drame qui est la hantise de tous les parents, » Un enfant » force l’admiration, l’empathie, la solidarité, la sympathie.
Nous « infuserons » demain dimanche et après-demain, 4 novembre, deux courts extraits de ce témoignage majeur
Un enfant, Patricia Vergauwen et Francis Van de Woestyne, récit, Ed. Grasset, octobre 2019, 240 pp
Billet de faveur
Patricia Vergauwen a accepté de répondre à nos questions.
Nous l’en remercions vivement
AE: Dans les remerciements qui concluent ce témoignage, vous citez l’écrivain Geneviève Damas qui a permis à votre livre « de voir le jour »? Comment s’est déroulé votre processus d’écriture ?
Patricia Vergauwen : , j’ai commencé à écrire juste après la mort de Victor. Le lendemain, à un doigt sur mon téléphone. C’était une sorte de rendez-vous quotidien avec lui, une manière de rester maman pour cet enfant perdu. J’ai écrit pendant 6 mois, seule, sans que personne ne me lise, pas même Francis. Puis j’ai proposé à Francis d’écrire aussi. Il l’a fait, en partant seul, loin, des week end entiers. Pour lui écrire c’était d’abord revivre.
Ce n’est que 15 mois après la mort de Victor que nous nous sommes lus pour la première fois. Moment bouleversant et magnifique.
Après cela, nous avons soumis nos textes à Geneviève Damas qui nous a aidés à mettre nos textes en vis-à-vis. Beaucoup de travail, beaucoup d’émotions, beaucoup de joies.
AE : L’’emploi de l’article indéfini « Un enfant » dans le titre surprend quand on le confronte à la présence tellement prégnante de Victor
Patricia Vergauwen : Pour nous il s’agit de Victor mais aussi de tous les Victor du monde qui se sont envolés trop tôt. » Un enfant » est universel et sobre à nos yeux.