Quand j’y repense, elle me consterne, la femme que je fus ce jour-là. Pourtant le matin où j’avais appris le meurtre, j’avais eu le réflexe d’éloigner de mon visage l’écran du portable où s’était affiché son récit. Mais j’avais sous-estimé la toxicité du sang versé. Tels ces décapants ultra-puissants qu’on relègue en haut des placards, un crime, dans une famille – quel qu’en soit l’auteur, rôdeur, familier de la mort violente, assassin retors, meurtrier d’occasion -, met immanquablement à nu les ressorts les plus archaïques de la tribu, les pires comme les meilleurs.
Conviée aux obsèques de sa sœur Denise, sauvagement attaquée, un samedi d’été indien, au cœur d’une « banlieue tranquille », la narratrice replonge dans l’histoire de cette famille qui fut la sienne, traçant à coup d’imagination et de suppositions le modus operandi de ce crime sordide, classé sans suite.
La galerie où je me suis engagée s’est révélée tortueuse et obscure. J’ai malgré tout poursuivi ma route. De loin en loin, j’ai distingué de faibles lueurs, que i’ ai accueillies comme des midis rayonnants. Et même, des rais de lumière franche, dont j’ai cru qu’ils étaient :’annonce du grand jour. Mais le plus souvent, j’ai .cheminé dans la pénombre. Rien n’a changé, j’y suis :toujours, à tâtonner, espérer, désespérer. Voilà pourquoi j’écris. |
Et de ces notes réparties à travers onze carnets et demi va jaillir le récit, celui d’une vaste et complexe enquête dont les racines remontent à leur jeunesse commune
De onze ans l’aînée de la narratrice, Denise en fut aussi la marraine, un temps, la protectrice.
Révéler – Réveiller la vérité de sa mort relève du devoir de mémoire.
A Elter
Un crime sans importance, Irène Frain, récit, Ed Seuil, août 2020, 256 pp