Un avenir radieux

S’il est un sentiment éminemment contrariant, jailli en fin de lecture d’Un avenir radieux, c’est qu’il va falloir patienter plus d’un an pour connaître les suite et fin de cette tétralogie fabuleuse.

La perspective est insoutenable

Pour l’heure- nous sommes au printemps 1959 –  réjouissons-nous de retrouver la famille Pelletier, Angèle et Louis, revenus au pays, non loin de Paris, vivre auprès de leurs enfants et petits-enfants. La savonnerie de Beyrouth qui faisait la fierté de la tribu et du Grand Monde (tome 1)  est désormais vendue, faute de reprise familiale. Une résolution qui scelle le destin de Colette, appelée à retrouver sa cellule et à se soumettre à une maltraitance maternelle ininterrompue.

Geneviève reste en effet pareille à elle-même, déployant des trésors de mesquinerie, fourberie, cruauté, infamie et offrant au lecteur le prétexte de descriptions et répliques désopilantes. Contre toute attente, elle prend en grippe son fils, Philippe, petit prince chéri jusqu’alors. Vouant une foi sans borne aux prédictions astrologiques, elle en fait le principe de toutes ses décisions existentielles

François, le journaliste, se voit mêlé à un réseau d’espionnage qui pourrait lui coûter tant son couple que la vie. L’occasion pour l’auteur d’affiner le portrait si attachant de Nine, vraie et belle personne.

Maniant avec art magistral – son patronyme l’y invite – l’art de conter, de tenir le lecteur en haleine, de l’inviter au sein d’une famille extraordinairement ordinaire aux prises avec des événements qui la dépassent: abus sexuel,  maladie, meurtre, Guerre froide, tractations diplomatiques, enjeux politiques, …..Pierre Lemaitre signe un nouveau roman imparable.

Qui peut être abordé sans lecture préalable des deux premiers tomes – Le Grand Monde (Ed . Calmann-Lévy, 2022 – Le silence et la colère Ed . Calmann-Lévy, 2023) mais ce serait dommage

L’avenir qui s’ouvre à Angèle, Geneviève et Jean, Nine et François, Hélène et Lambert; et leurs enfants, à la chaîne de magasins Dixie, sera-t-il aussi radieux que le laisse entendre le titre?

Ce sera l’enjeu du très attendu quatrième tome de cette saga prodigieuse.

Apolline Elter

Un avenir radieux, Pierre Lemaitre, roman, Ed. Calmann -Lévy, janvier 2025, 592 pp – Ed.Audiolib,  janvier 2025, texte intégral lu par Philippe Sollier, durée d’écoute 12h37

Billet de faveur

AE : Le titre du roman, c’est Lambert, le mari d’Hélène qui nous en révèle la signification. Le pays de l’avenir radieux : est-ce ainsi qu’était nommée la Tchécoslovaquie, à l’époque du Rideau de fer ?

Pierre Lemaitre : Non, je ne pense pas… Au-delà du Rideau de Fer, présenter le monde communiste comme la voie royale vers un « avenir radieux » n’aurait pas convaincu grand monde ! En revanche, vu de loin, par exemple d’Europe occidentale, le slogan pouvait fonctionner. C’est pourquoi cette expression a été largement employée notamment par le Parti Communiste français pour tenter de convaincre … ceux qui en avaient envie.

AE : Lambert, justement, le mari d’Hélène, « éternel enjoué », positif à tout crin, gravite quelque peu en retrait de la narration. Il est cependant pleinement partant pour « trucider Geneviève » Un bon plan pour le prochain volume ?

Par le cul du pape, avait dit Lambert à Hélène, je ne me mêle pas de cette affaire. En revanche, si vous en venez à trucider Geneviève, appelle-moi que je participe !

Pierre Lemaitre : Lambert est inspiré en partie par le personnage de Bloch, dans la Recherche du temps perdu, un extravagant pontifiant qui s’exprime volontiers à la manière des poètes antiques. « Mon » Lambert est moins cuistre, il n’a guère conservé qu’un goût un peu décadent pour les exclamations anciennes. Quant à trucider Geneviève, je crois que bien des lecteurs en rêvent. Ils n’ont pas tort de penser qu’il va bien falloir trouver une issue dans le dernier volet de la tétralogie aux aventures toxiques du couple Pelletier. Je m’y emploie ! J’espère que cette fin sera à la hauteur des attentes.

AE : Vos romans, et cette saga en particulier, se prêtent idéalement à la lecture audiolivresque, tant les situations, dialogues s’enchaînent de façon imagée, tonique, en un rythme ininterrompu. Philippe Sollier réalise, à votre suite, une prestation… magistrale – l’entendre parler tchèque est pur bonheur.

Est-ce l’art du conteur que d’écrire tant pour la lecture visuelle qu’auditive ?

Pierre Lemaitre : Oui, sur ce plan je pense que je suis au moins autant un conteur qu’un romancier. C’est une partie importante de mon travail qu’essayer de simuler, à l’écrit, le rythme de la parole. Pour tenter de donner l’illusion au lecteur, à la lectrice que je leur raconte l’histoire à voix haute. Cet effort fait partie de mon désir d’entretenir une connivence, une complicité avec eux.

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