« Sigmaringen a toujours su rester à l’abri des conflits, comme si l’ombre protectrice du château épargnait à la ville les malheurs du temps. Elle nous a donné l’illusion que nous échappions à la tyrannie puis à la guerre. Eût-il voulu nous faire payer notre impunité que le Führer ne s’y serait pas pris autrement. Il a fallu que des Français s’y installent pour que ce petit coin d’Allemagne guère porté au nazisme le soit un peu plus. »
C’est par la voix de Julius Stein, majordome de la famille princière des Hohenzollern, propriétaire du château de Sigmaringen que le roman de Pierre Assouline se déploie. Il relate un fait historique avéré: réquisitionné, fin août 1944 par Ribbentrop, le château se prépare à accueillir le gouvernement de Vichy, en pleine débâcle.
Et c’est ainsi que débarquent, en septembre, flanqués de leurs suites, deux ennemis établis, incapables de se supporter, le maréchal Pétain et le président Pierre Laval. D’aucuns tentent de donner le change et d’établir une illusion de continuité dans leur gouvernance; les autres ont compris que la partie était finie et meublent comme ils le peuvent l’oisiveté forcée de ce huis-clos; soucieux de maintenir les lieux en un état irréprochable et de ne pas faillir à la tradition hospitalière de ses maîtres, Julius Stein observe ce microcosme avec toute la diplomatie impartie à sa charge, « car un majordome bien né est dépositaire des secrets et de la confiance. »
En point de mire également la figure d’un certain docteur Destouches – as Louis-Ferdinand Céline – et une personnalité aussi engageante que mystérieuse, Mademoiselle Wolfermann..
« On ne regardait plus trop vers l’avenir de peur de ne pas s’y trouver. »
La fresque vivante et bien intéressante d’un pan méconnu de notre Histoire.
Apolline Elter
Sigmaringen, Pierre Assouline, roman, Ed. Gallimard, janvier 2014, 360 pp
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