» Car ma force réside également en ceci que je ne réfrène pas en moi les plus secrètes forces. »
Enoncée en français, cette sentence stigmatise la complexité d’approche de Rainer Maria Rilke . Catherine Sauvat s’est attelée à la tâche, qui produit une juste relation de la vie du poète, de son tempérament et de ses relations aux femmes.
Né à Prague, le 4 décembre 1875, René est enfant sur-couvé d’une mère, Phia ( Sophie) qui ne se remet pas de la perte de son premier enfant. Il est traité en fille. La séparation de ses parents constitue un premier drame dans le parcours de l’enfant, aussitôt suivi d’une épreuve qui le marque à vie: une scolarité dans une école militaire dont il ne s’extirpe que grâce à son « état maladif permanent. » Il en veut désormais à sa mère de lui avoir fait vivre cet enfer et se rapproche de son père: un rapport affectueux lie désormais les deux hommes.
Conditionné dans son rapport aux femmes par sa relation destructive à sa mère, René, devenu « Rainer » par suggestion de Lou Andreas-Salomé multiplie les conquêtes et mises sous protection. Mais il se lasse tôt des premières et ne sait comment s’en défaire, maintenant un ersatz de tendresse par voie épistolaire.. .Une désinvolture qui créera bien des blessures. Quant aux secondes, de la trempe de Lou, de la Princesse de Thurn und Taxis et même Clara Westhoff, qu’il épouse en 1901, il profitera allègrement de leur maternelle sollicitude.
Car c’est un trait – et non des plus sympathiques – du poète que de se laisser entretenir – songeons à son mécène, le banquier Karl von der Heudt – d’être de toutes les mondanités, tout en revendiquant une solitude bien orchestrée. La pratique de la correspondance vient souvent en aide à cet « épistolier intarrissable » , qui lui permet de garder le lien tout en maintenant une nécessaire distance. C’est le gage de sa liberté.
« Ses lettres composent bien une parfaite échappatoire à sa propre vie, elles favorisent sa solitude et le protègent des intrusions non désirées. Elles forment un complément idéal à ses relations amicales, ou amoureuses, car elles jouent sur la promesse et l’attachement, mais ne le lient nullement. Dans son isolement volontaire, le courrier reçu lui apporte une bouffée de l’extérieur ; il épanche de cette manière sa soif et son manque de l’autre. En outre, lors de ses voyages, il peut communiquer au rythme qui lui convient. »
Epris tant de voyages que de femmes, le poète aime puiser dans un certain mal -être le secret d’une plume qui, aujourd’hui encore suscite bien des passions.
Rainer Maria Rilke s’éteint à 51 ans, frappé par une leucémie.
Rilke. Une existence vagabonde, Catherine Sauvat, biographie, Ed. Fayard, sept.2016, 264 pp
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