Troisième roman de notre compatriote, affermissement d’une oeuvre en marche et en surprises.
La romancière a plus d’un ..cadavre dans son sac, qui emprunte pour le coup, une forme nouvelle d’écriture, entendez celle d’un roman épistolaire
Voici qui a l’heur de nous plaire.
Mais encore.
Reste c’est une prière.
C’est l’impossible, impensable deuil physique d’une jeune femme – « S. », la narratrice, 41 ans tout pile – face au corps sans vie de son amant, M., brusquement décédé d’une crise cardiaque.
Le couple s’était échappé dans un chalet de montagne.
L’épouse légitime ignore encore cette mort – c’est son avantage – et l’ignorera jusqu’à réception de la première lettre…
« . Je me suis trompée, je vous écris par amour, pas par amour pour M., quoique si, probablement aussi. Mais parce que je vous aime, vous. C’est ce que j’aimerais me faire croire en tout cas. C’est tordu, oui. Garder le corps de son amant mort c’est tordu, aimer c’est tordu. Je suis tordue, voilà. Mais donc je vous aime. Ou j’aimerais me le faire croire. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de rivalité? Nous ne sommes pas rivales ».
Et c’est là que réside à mon sens, la force, la puissance du roman: aimer un homme jusqu’à la femme qu’il aime aussi….
C’est un roman de gratitude, d’action de grâces sans liturgie.
Promu destinataire des (longues) lettres au même titre que Camille, l’épouse, le lecteur découvre tant le sordide de situations pour le moins, crues, intenables, incongrues que la digne netteté, l’honnêteté de sentiments élevés.
Adeline Dieudonné n’a pas fini de nous étonner.
Elle a l’étoffe des grandes romancières: les personnages prennent vie – si l’on peut dire – sous sa plume, sitôt posée la première pierre de l’édifice narratif.
Les lettres déclinent présent et passé du couple, de la narratrice en une fluide et tonique alternance.
Apolline Elter
Reste, Adeline Dieudonné, roman, Ed L’Iconoclaste, avril 2023, 290 pp