Vu sous cet angle, il est vrai que la situation est injuste: la sentence de Madame Vo Than Loc, professeur de piano de son enfance, revient en boucle, telle une ritournelle, tandis que le narrateur renoue avec stupeur sa relation – existentielle – au grand compositeur.
Stupeur et …bouleversements…
« Le buste de Beethoven me réveillait. Par lui, je concevais que, depuis deux décennies, je ne marchais qu’à moitié dans mes vraies chaussures, … »
La représentation de Fidelio à l’opéra de Zurich assortie d’une visite au NY Carlsberg Glyptotech de Copenhage qui consacre, lors d’une exposition sur les masques, une salle complète à Ludwig von Beethoven, bouleversent la vie de l’écrivain, réconciliant à la fois un passé enfoui et une ouverture optimiste sur la destinée humaine.
Justifiant l’adoration portée au grand Maître à travers deux époques cruciales de sa vie, l’adolescence et le présent infini, l’écrivain se risque à l’exercice périlleux du partage d’émotions musicales. Cela donne un résultat assez brillant pourvu que le lecteur se prête à l’écoute attentive des six extraits gravés sur le CD qui accompagne l’essai. Comme il l’avait fait pour Ma vie avec Mozart, Eric-Emmanuel Schmitt révèle une sensibilité musicale qui pourrait bien être la clef de voute de son écriture. L’approche est particulièrement intéressante et l’on ne peut que saluer la perspective de voir Bach et Schubert – ô merveille – prêter leur art à deux prochains opus
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Deuxième volet de l’ouvrage, Kiki van Beethoven, change de registre si ce n’est d’idole. La pièce de théâtre, qui sévit depuis le 21 septembre 2010, au Théâtre La Bruyère (Paris) prend le chemin inverse de l’argument précédent: c’est l’âge mûr, incarné par « Kiki », fraîche pensionnaire de la « Résidence des Lilas » , qui inoculera à Boubacar, jeune black, ainsi qu’à ses sémillantes comparses, le virus de l’adulation: « Ecouter Beethoven, c’est chausser les sandales d’un génie et se rendre compte qu’on n’a pas la même pointure«
Un Beethoven qui ne restera pas sourd à la détresse enfouie de Kiki.
Apolline Elter, le 10.10.10….
Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent.., Eric-Emmanuel Schmitt, Albin Michel, septembre 2010 (livre + CD) , 184 pp, 22,9 €
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