C’est une amitié de quelque cinquante années – de 1915 à 1963 – amitié « irréciproque » entre Pablo Picasso (1881-1973) et Jean Cocteau (1889-1963) que vise, analyse, dissèque ce passionnant essai signé Claude Arnaud.
Fin connaisseur du Prince des poètes, de son extraordinaire créativité, complexité, ….fragilité, le biographe trace le portrait d’une amitié presque obligée, tant les similitudes semblent, dans un premier temps rapprocher les artistes: rapport à leurs pères respectifs et sorte de mise à mort de ces derniers, porosité à la mouvance de leur temps – mais là où Picasso pique, se braque ..sur Braque, il semble que Cocteau rend hommage, assimile plus lentement – et surtout une volonté de sortir des clivages artistiques de l’époque et des frontières entre les disciplines.
» Picasso pique tout en restant lui »
Amitié fécondée, nourrie d’échanges, d’escapades communes et de rivalité. D’un peu d’amour dans le chef homo-maso – de Cocteau, macho de Picasso, qui multiplie les prédations féminines. Son mariage premier avec Olga Khokhlova, en juillet 1918 constitue pour le Malaguène un puissant ascenseur social et.. financier.
Picasso est un autre caméléon, mais il a la mâchoire d’un crocodile.
Qu’on ne s’y méprenne: tout imbu de sa personne et de sa réussite universelle -qui rallie communistes et capitalistes – Picasso traverse des périodes de doutes. Il souffre.
Et d’affirmer: « Le vrai prix de mes tableaux, s’ils le connaissaient, personne ne voudrait le payer »
De son côté, dans un parcours plus chaotique, parsemé d’amours (Radiguet, Marais, Doudou, …)d’amitiés loyales, de désolations et d’addiction à l’opium, Cocteau engrange son lot de succès et de reconnaissance.
Une lecture captivante, qui ouvre mille voies.
Mille e tre
Dont celle de la correspondance des artistes.
Nous avons commandé l’ouvrage (Ed. Gallimard, 2018) et vous reviendrons sous peu
Apolline Elter
Picasso tout contre Cocteau, Claude Arnaud, essai, Ed. Grasset, mars 2023, 240 pp