« Ma spécialité de pilote était le ravitaillement des postes éloignés. On n’atteignait certains refuges qu’au bout de trente ou quarante minutes, des vols d’abord monotones, par-dessus combes et moraines, puis acrobatiques quand surgissaient les hautes montagnes. L’hélicoptère s’époumonait dans de lentes ascensions pour franchir des cols élevés puis il devait, aussitôt après, plonger à ras de paroi vers des couches d’air plus denses. Le pilote vivait ces aventures le pouls rapide, ses mains moites crispées sur le manche. Parfois le souffle manquait, faute de respirateur équipant la cabine. »
Astreint à un séjour forcé – pour cause de tempête de neige – dans le refuge argentin qu’il vient approvisionner, le pilote d’hélicoptère Jonas s’essaie aux affres de la cohabitation.
Ils sont trois, le gardien, Jesus, un vérificateur de frontières et lui .
Bien vite, l’envie de rejoindre sa famille, lu donner de ses nouvelles, taraude Jonas
» Plus les jours passaient, moins j’acceptais d’être là, ou plutôt d’être avec eux. La présence des deux hommes m’importunait. Je me méfiais de leur alcoolisme diffus, installé par le désœuvrement. Des bouteilles de pisco, il en roulait de partout, dont l’écoulement régulier marquait le temps mieux qu’une clepsydre. Celles qu’on débouchait le matin sonnaient creux à midi, et aucune ne survivait pleine à la nuit. »
Mais l’hélicoptère n’est pas prêt de repartir et Jonas trompe son ennui en accompagnant Jesus tracer les frontières des chemins de haute montagne .
C’est alors que le récit – le premier de l’oeuvre d’Olivier Bleys, écrit à la première personne – prend un tour onirique, mystique, qui soustrait le lecteur à la réalité première.
Le rapproche peut-être de celle de l’écrivain
« Mais nous les vivants, nous ne brillons qu’un instant, non pas diamants mais perles de rosée, avant la nuit qui nous avale. »
A Elter
Nous les vivants, Olivier Bleys, roman, Ed. Albin Michel, août 2018,