« C’est parce que cette histoire est vraie en tout point – à d’infimes détails près – que la romancière que je suis a voulu la raconter. Pour en extraire la réalité romanesque, et la restituer, la partager, dans sa nudité, sa beauté, sa cruauté, et sa douceur »
L’année 2014 s’ouvre sur un récit colossal, journal d’un amour absolu, irrépressible, heureux et délétère à la fois, qui propulse la narratrice, âgée alors d’une vingtaine d’années dans les rets casanovistes de son professeur d’art dramatique, Francis M, de 27 ans son aîné. Procédant de distances et fusions, livrée sans filtre et surtout sans filet, la relation donnera naissance à Samuel et s’éteindra en 2002 avec le décès du metteur en scène.
Petit carnet Super Conquérant parme
13-08-2002
Il va me manquer.
J’aime l’enfant que nous avons eu ensemble.
J’ai aimé immensément cet homme. »
Une lecture qui vous laisse plume bée, tant l’écriture fluide, soignée, sincère, directe, précise, chirurgicale par moments, subtilement imagée, progressant de touches affinées, mouvements symphoniques, revirements, contrastes, humour et oxymores, … suscite l’empathie, la résonance, l’adhésion scotchée de quiconque éprouve – ou l’a fait – le sentiment amoureux.
« Avec lui, j’ai tout arraché de moi. Comme un torrent. Ou plutôt comme un vertige. Un jeu. Comme quand on mise tout sur le 20 et qu’on attend, au bord de l’abîme. »
Un récit majeur, je vous le certifie.
Apolline Elter
N’oublie pas les oiseaux, Murielle Magellan, roman, Ed. Julliard, janvier 2014, 342 pp, 21 €
Billet de ..ferveur
AE : S’il est à une voix, votre récit, Murielle Magellan, a des allures symphoniques : il orchestre narration, bribes de carnets intimes, de cahiers de liaison et billets doux en une œuvre à huit mouvements. Vous auriez pu aussi l’’intituler, selon votre expression, La symphonie de l’homme slave ?
Murielle Magellan : Oui, c’était d’ailleurs son premier titre. Mais il avait des airs de fausses pistes et… je me sentais un peu « exclue » de ce titre là! C’est en échangeant avec la romancière Véronique Olmi que le titre « N’oublie Pas Les Oiseaux » a émergé. Quant à l’aspect musical, vous avez raison, il est je crois très présent dans ce livre et dans mon écriture en général. J’aime les chants et les contre chants, j’aime les variations de rythme, les respirations, les pause et les demi-pause. J’aimais aussi l’idée que la voix de celui que j’appelle « L’homme Slave » soit présente dans ce livre. Même si c’était par petites touches, au travers des billets doux et du cahier de liaison. En peu de mots, il me semblait qu’il arrivait à « être là ».
AE : Quel a été votre moteur d’écriture : L’amour ? Un hommage à un être hors du commun, père de votre enfant ? La volonté d’épuiser par les mots tout ce que cette relation avait de fort, de beau et de …délétère. Pour pouvoir, tel le phénix renaître de ses cendres ?
Murielle Magellan :
Mon moteur personnel était de me mettre à jour avec ceux que j’aime. Mon fils, mon compagnon actuel, certains amis. Leur dire, autrement que dans une conversation de comptoir, ce que j’avais vécu et pourquoi je suis « comme ça » aujourd’hui. Aussi, rendre hommage à « l’homme slave », envers qui je me sentais en dette, et dont le temps qui passe me confirmait qu’il était vraiment, malgré tout, un être rare.
Mon moteur littéraire, c’est le plus important, était de trouver la bonne manière de déposer ce récit aux personnages complexes, moi, lui, avec la plus grande lucidité, et la plus grande tendresse possible, de façon à ce que le lecteur soit pris de l’intérieur et dépossédé de son inclinaison à juger, à trancher, bousculé dans ses certitudes, et seulement enclin à s’étonner. Car il me semble que quand on s’étonne, on est en vie comme un enfant, on est sauvés!! L’étonnement est mon carburant numéro 1. Au passage, j’espérais qu’on se consolerait ensemble, avec ce texte, de nos grandeurs et misères affectives…
AE : Cet amour vous a, pour une part, construite. Il semble avoir aussi éveillé « l’homme slave » à lui-même , réveillant et révélant en lui des « choses enfouies ».
Murielle Magellan : Oui, cet amour m’a construite, indéniablement. Il a été mon chemin initiatique. J’étais un terrain vierge, une ingénue curieuse et observatrice qui se découvrait peu à peu dans le regard de l’autre, puis qui s’est séparé du regard de l’autre pour s’affirmer. Se définir. C’est aussi ça que je voulais raconter.
Pour « L’homme slave », sans doute oui, ai-je ranimé pendant un temps en lui des « choses » auxquelles il avait renoncé. Auxquelles il ne croyait plus. Que le temps et le cynisme ambiant avait recouvert. Je crois que ça a été précieux pour lui aussi. Mais ses démons n’avaient pas dit leur dernier mot…
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