Qui ne rêve de régler ses comptes avec sa mère, surtout lorsque cette dernière est fantasque – voire encombrante….
Encore faut-il le faire élégamment.
Un défi que Marie Lebey relève haut-la-main, adressant à Mouche « prime » ce roman autobiographique d’humour, d’hommage, et de… dommages collatéraux.
Une façon de pallier, avec panache, l’impalpable mise à l’écart que lui valurent les décès consécutifs de son père et de sa soeur aînée.
» Aux joueuses de bridge et aux championnes de Scrabble, je préfère « Magic Mouche’ » qui oublie mon anniversaire, mais s’extasie devant le coucher de soleil flirtant avec le toit des immeubles qui dévalent sous son balcon. »
C’est en effet par le biais d’expédients culturels, incongrus et amoureux, que Mouche’ va poursuivre sa vie, éludant au passage, les événements majeurs de la vie de Marie (accouchements, cancer, ..)
« J’offris ce premier fils à ma mère en la couronnant marraine. Ce qui, je le reconnais, obscurcissait sérieusement l’avenir de mon petit roi, qui se retrouvait, après seulement quelques minutes de règne, avec une allumée de plus sur le dos. »
Vive, tonique, incisive, pétrie d’espièglerie, de tendresse et d’images inédites, la plume de Marie Lebey couvre les pages d’un roman court, dense, libératoire, prodigieusement attachant.
A lire absolument
AE
Mouche’, Marie Lebey, roman, Editions Léo Scheer, janvier 2013, 128 pp, 18 €
Prolongation de lecture
AE : Marie Lebey, l’humour est la meilleure façon de faire passer certains messages. Oseriez-vous faire lire ces pages à Mouche’ ? Quelle serait sa réaction ?
Marie Lebey : Ma mère ne voulait pas lire mon livre, elle avait peur que je ne la démolisse. Et puis cela a été plus fort qu’ elle, en cachette, elle a fini par le lire. Sa réaction m’a surprise, elle m’a dit avec beaucoup de pudeur: « C’est un bon livre ». Puis le sujet été clos, on n’en a plus jamais parlé. Je crois qu’elle m’a été reconnaissante de ne pas avoir abîmé son univers poétique. Et même si son personnage est parfois un peu ridicule, elle l’a très bien pris, en ajoutant : « après tout le ridicule n’a jamais tué personne ». C’est là où je me suis rendu compte que mentalement ma mère était au-dessus des autres.
AE : « Je n’ai pas le souvenir que Mouche’ ait jamais posé sur moi un regard de mère ».
C’est dans l’apostrophe de ce « Mouche ‘» que se cristallise votre affection. Celle du roman – parce que sous le couvert de la troisième personne, c’est votre maman que vous …apostrophez – en est la déclinaison. L’écriture du livre vous a-t-elle libérée de tensions, a-t-elle libéré l’expression de votre tendresse ?
Marie Lebey : Ce livre a fait des miracles. Au fur et à mesure de son écriture, j’ai commencé à la voir comme un personnage et non comme ma mère ; et cette distance que mon travail creusait entre nous, a libéré mon regard, puis mon cœur. J’ai retrouvé la maman que dans mes souvenirs j’avais beaucoup aimée dans ma petite enfance
AE : Les origines belges de votre mère sont portées au crédit de son « disque dur », de sa personnalité fantasque. … Rassurez-moi, vous réduisez pas la Belgique au prisme de cette vision…
Marie Lebey : Je connais très mal la Belgique, mais dans mon imaginaire c’est une terre de poésie, et d’un certain humour à couper au couteau .En tant qu’ écrivain je me sens beaucoup plus belge que française. Mon ADN littéraire est belge, de cela je suis sûre, mais j’aurai du mal à vous expliquer pourquoi.
AE : Mouche’ ne semble pas grande cuisinière… Avez-vous cependant une madeleine proustienne, liée à votre enfance ?
Marie Lebey : Le signe de croix que Mouche’ par superstition, apposait sur nos fronts lorsque le soir, elle venait nous voir dans nos lits superposés, ma sœur et moi.
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