Ne quittons pas l’ami Gauguin sans nous pencher, mar-dites oblige, sur sa correspondance. Une correspondance conjugale à l’ordre de notre billet du jour. Nous reviendrons ….un jour sur celle qu’il entreprit avec Daniel de Monfreid, ami fidèle et rare.
Nous l’avons évoqué: Gauguin quitte Copenhague, son épouse et quatre de ses enfants en 1885: Mette et sa belle-famille sont un frein irréductible à l’éclosion de son talent, de sa créativité; Gauguin explose et veut voler de son propre pinceau. Séparé, le couple ne vivra plus jamais ensemble. Si elle profite de la vente d’oeuvres de son mari, Mette n’admettra jamais son art. Une correspondance de quelque treize années s’instaure entre les époux, oscillant, dans le chef de Paul Gauguin entre l’abnégation, la tolérance et l’amertume.
La lettre qui clôt leur commerce épistolier est ..assez conclusive, en effet.
Nous sommes en 1897 – sans doute – Gauguin a encore six ans à vivre …
A SA FEMME.
Sans date. (Tahiti, juin 1897.)
Je lis par dessus l’épaule d’un ami qui écrit :
Madame,
Je vous ai demandé que le 7 juin jour de ma naissance les enfants m’écrivent « mon cher Papa» et une
signature. Et vous m’avez répondu: « vous n’avez pas d’argent, n’y comptez pas ».
Je ne vous dirai pas «que Dieu vous garde» mais moins fabuleusement «que votre conscience dorme pour vous empêcher d’attendre la mort comme une délivrance ».
Paul Gauguin, Lettres à sa femme et à ses amis, recueillies, annotées et préfacées par Maurice Malingue, Ed Grasset, Paris, 1946 – nouvelle édition, in Les Carnets rouges, 2003 (2014) 416 pp
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