« Mais, ce matin-là, ce matin de juin, je n’ai pas pris le chemin du bureau. J’ai marché, poussée par cette force irrésistible, celle que je sentais depuis quelques jours. Mes mouvements m’étaient imposés. J’ai acheté un chapeau de plage et des lunettes de soleil. À la manière d’un automate,je me suis rendue à l’arrêt du bus de la côte, celui qui va jusqu’à Jacksonville. J’y ai attendu. La force me soufflait des injonctions. Quitter le district. Remonter vers le Nord. Sans doute parce qu’au Sud il y a la mer. Partir. Aller loin. Peut-être jusqu’au terminus pour voir ce qu’il y a de l’autre côté. Tout quitter. Que ça s’arrête. «
Comment comprendre l’inexplicable? Comment comprendre le coup de folie d’Elisabeth Jones, un matin de juin 1975, qui lui fait tout quitter, Illiana, sa fille d’un an, Alvaro Fuentes, son mari cubain, sans crier gare ni laisser de traces. Déclarée officiellement décédée, Elisabeth revient dans la vie de sa fille, vingt ans après les faits, sous la forme d’un carnet, sorte de longue lettre de justification, qu’elle lui envoie, à Miami:
« Ma chérie », comment ose-t-eIIe? Je hurle.J’explose! Un carnet qui m’est envoyé sans explications par courrier vingt ans après sa disparition! Tu parles d’un cadeau! Trop tard, devrais-je dire! Des mots, des lignes crachées dans un carnet pour composer un recueil de lettres qu’elle ne m’a jamais envoyées. »
Ne vaut-il pas mieux continuer à croire au décès tragique de sa mère que d’essayer de comprendre son attitude insensée. De découvrir qu’elle a refait sa vie.
Voilà tout l’enjeu de ce roman subtil, dense, fort, dont je vous recommande la lecture.
Apolline Elter
Mal de mère, Elise Bussière, roman, Ed. Mols, mars 2018, 128 pp
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