La riche correspondance entretenue, quinze ans durant, entre Albert Camus (1913-1960) et Maria Casarès (1922-1996) et publiée en 2017 par les soins de Catherine Camus, la fille de l’écrivain (Ed. Gallimard), nous a fait entrevoir l’étendue d’une passion…unique, qui ne s’éteint qu’avec le décès accidentel de Camus, le 4 janvier 1960.
Ce drame, cette tragédie est le point de départ du récit de vie, de la comédienne María Victoria Casares Pérez, née une première fois en Galice (Espagne) le 21 novembre 1922, une seconde fois, en 1942, sur les planches du théâtre des Mathurins (Paris VIIIe).
Fille de Santiago Casares Quiroga, ministre républicain, sacrifié sur l’autel de la dictature franquiste, la jeune María débarque à Paris, avec Gloria, sa mère et Enrique, l’amant de cette dernière, en novembre 1936, veille de ses quatorze ans. Elle ne remettra le pied en Espagne qu’après le décès de Franco, le 20 novembre 1975.
La jeune fille a un caractère fougueux, emporté, qu’elle assouvit dès octobre 1942, sur la scène des Mathurins. Elle figure rapidement parmi les étoiles montantes du théâtre. Rencontre Albert Camus, le 19 mars 1944, lors d’une lecture-spectacle organisée dans l’appartement de Zette et Michel Leiris.
« Ils étaient là, envoûtés par cette voix traînante, volontairement monocorde, ce visage plus ou moins plissé, avec son grand front, ses cernes, ses cheveux gominés en arrière, son air nonchalant, moqueur, qui le faisaient ressembler à Humphrey Bogart. Éminemment attirant. »
Devenus amant, le 6 juin 1944, Maria et Albert se séparent bientôt pour se retrouver quatre ans plus tard, toujours aussi épris … Mais Camus n’entend pas rompre avec Francine Faure, son épouse et mère de ses jumeaux. Maria devra donc céder, se sacrifier devant cette inéluctable situation.
« Guerre et paix. C’est ainsi qu’il la surnomme. »
Décliné en une série d’identités successives, celles de la vie, celles de la scène, ce portrait sonde profondément, creuse subtilement le cœur, l’ardeur, les fureurs … d’une femme haute en couleurs
D’une femme amoureuse.
La maison de La Vergne (en Charente), achetée en août 1961 avec André Schlesser – qu’elle épouse le 27 juin 1978- est son havre de paix, ce lieu « où elle a enfin posé les valises de l’exil, pleines d’extravagances et de mémoire. »
Elle est désormais une résidence pour comédiens, dédiée à sa mémoire.
Une lecture hautement recommandée
Apolline Elter
L’Unique. Maria Casarès, Anne Plantagenet, biographie, Ed. Stock, janvier 2021, 270 p
Billet de ferveur
AE : Vous avez séjourné dans le domaine de La Vergne, où vécut Maria Casarès et où elle décéda voici bientôt 25 ans. Que reste-t-il de sa présence dans les murs de la propriété ?
Anne Plantagenet : Elle est partout ! Maria Casarès habite encore totalement cette maison restée « dans son jus », telle qu’elle était de son vivant. On a l’impression qu’elle est simplement sortie faire une balade sous les arbres ou faire la sieste dans sa petite barque sur le bras de la Charente qui traverse la propriété.
Puis il y a ses objets, ses livres, des photos…
Par ailleurs, comme c’est aujourd’hui une résidence pour troupes de théâtre, son esprit plane avec bienveillance au-dessus des répétitions et autres filages.
AE : Avez-vous eu des contacts avec Catherine Camus pour la rédaction de cette biographie. Les deux femmes se sont prises de sympathie après le décès de Francine Faure :
Anne Plantagenet : Catherine Camus en effet a écrit à Maria Casarès au début des années 1980, et elles ont noué une relation fondée sur le respect et la mémoire d’Albert Camus.
Je n’ai pas contacté Catherine Camus pendant l’écriture de ce texte qui est consacré à Maria Casarès (et non à Albert Camus, même si bien sûr il occupe une place importante dans sa vie). Il m’a semblé que j’avais tous les éléments qu’il me fallait du point de vue de Maria Casarès. En revanche, le texte a été soumis à Catherine Camus avant publication pour l’autorisation des citations de la Correspondance et des Carnets d’Albert Camus.