Entreprises dans la liesse d’un Festival de la correspondance hors du commun , à Grignan, début juillet, nos Estivales du Pavillon se concluent, ce dimanche 26 août, de L’intime Festival (Namur, 6e édition) et de la somptueuse lecture vibrante, drôle, incarnée qu’a opérée la comédienne Marie Gillain de Fugitive parce que Reine, roman autobiographique de Violaine Huisman (Ed. Gallimard, janvier 2018)
. Elle était sublime, elle était divine. Pauvre maman, elle pouvait tourner comme une toupie sur les phalanges de ses orteils sans jamais perdre l’équilibre mais elle ne pouvait pas mettre un pied devant l’autre sans se vautrer en permanence à la valse du quotidien.
D’une mère maniaco-dépressive, (très) belle, aimante, extravagante, ordurière, … – sa mère – Violaine Huisman trace un portrait en modes Vigan ( Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan,JC Lattès, 2012) et Bojanglès ( En attendant Bojnaglès, Olivier Bourdeaut, Ed Finitude, 2016) conjugués, pimentés de sa propre touche d’écriture, paradoxalement crue – quand elle reproduit le parler maternel – alerte et raffinée. C’est dire comme nous avons aimé ce récit, et vous en recommandons haut et fort la lecture.
Déboussolée par une carence affective contractée dès la prime enfance, une maladie grave qui la grève d’une jambe plus courte de 3 centimètres et demi que l’autre, d’une claudication corollaire et d’un viol incestueux, Catherine Cremnitz tente de trouver repères et survie dans la maternité et l’amour – immense – qu’elle porte à ses filles, Elsa et la narratrice, sa cadette de deux ans.
» Maman et ma sœur s’aimaient comme des sauvages, elles se seraient entre tuées pour se le prouver. »
C’est faire fi des troubles comportementaux et addictions qui lui pourrissent la vie et celle de son entourage, lui valent un séjour en hôpital psychiatrique, de trop nombreuses, désastreuses unions conjugales et un suicide inéluctable.
Structuré en trois parties, le récit traduit d’abord le regard de l’enfant posé sur cette maman aussi attachante qu’imprévisible et les souvenirs merveilleux de vacances passés dans la maison « donquichottesque » aménagée en Corrèze. S’ensuit la relation de l’adulte ( 2e partie) et celle du suicide et des lettres adressées à ses proches.
Un suicide qui évoque celui de Stefan Zweig, au même âge.
Un hommage tonique, tendre, drôle et bouleversant à un être aimé, sa Maman
Le regret de n’avoir pu empêcher son geste inéluctable
» (…) à l’imposible nous étions tenues. »
Une lecture majeure de la rentrée de janvier,
Il nous fallait l’évoquer avant d’entamer, dès demain, celle de cette fin d’été…
Apolline Elter
Fugitive parce que Reine, Violaine Huisman, roman, Ed. Gallimard, janvier 2018, 246 pp
Mise en forme par Sylvie Ballul, cette « grande lecture » de l’Intime Festival fut sublimée par l’interprétation hautement préparée de Marie Gillain, enchaînant avec brio le récit sobre, subtil, tendre de la narratrice et les répliques déchaînées d’une mère …agitée.