« Son destin fut scellé le 11 septembre 1941, le jour où elle épousa l’homme de sa vie, mon père. Le sort en était jeté. Ma mère fut qualifiée d’intrigante, d’ambitieuse. On la surnomma l’ « ange noir ». Elle ne parviendrait jamais à apprivoiser la légende, à modifier son image. Bien plus que les épreuves de la vie, les jugements et les mensonges l’avaient meurtrie, l’amenant petit à petit à se forger une carapace. Et pourtant, au-delà de celle-ci, ma mère était animée de générosité, d’humour, d’intelligence, de passion et d’enthousiasme. » Esmeralda
Voici dix ans, le 7 juin 2002 précisément, Lilian, célèbre Princesse de Réthy, quittait la vie, en ce domaine d’Argenteuil (Waterloo), indissociablement lié à sa mémoire.
Hommage à une femme de tête, d’élégance et de lumière, une maman animée de principes nobles, une princesse secrète et largement incomprise, l’ouvrage que publient les éditions Racine est tout simplement magnifique.
Rassemblant ses souvenirs d’enfance, d’adolescente un rien rebelle, une multitude d’archives familiales et de photos superbes et inédites, la Princesse Esmeralda, fille cadette de la Princesse et du Roi Léopold III, s’est assuré la collaboration rédactionnelle de Patrick Weber, historien, journaliste, spécialiste renommé des têtes couronnées.
Ce dernier brosse de Lilian Baels, un portrait vivant, vrai, plein de tact qui lève quelques parts d’ombre sur des traits d’une personnalité à qui ne furent pardonnés ni éclat, ni beauté, moins encore son mariage d’amour avec Léopold III, aux temps sinistres de la Captivité.
De là à brosser d’elle l’image d’une marâtre, noire réplique d’une angélique et défunte Reine Astrid, il n’y avait qu’un pas, que la rumeur populaire, aigrie par des années de guerre, largement relaya…On la dit gouvernante des enfants royaux. Faux. Intrigante, arriviste… Faux. Elle était simplement amoureuse. D’un amour jamais démenti. Le souverain le lui rendit bien qui partagea la flamme sportive – La Princesse excellait dans la pratique du golf- le goût pour la nature, les voyages, les belles voitures, les rencontres vraies, l’harmonie familiale… de son épouse, cavalière, skieuse, …fumeuse, passionnée d’Autriche, de chasse et de cerfs.
Icône d’élégance, servie par une ligne et un physique de star, cette princesse fascinante et attentive fut proche des ses beaux-enfants, jusqu’à la rupture, avec Laeken …,en 1960.
Trop discrète – elle aurait dû faire meilleure confiance aux atouts de la communication – Lilian de Belgique s’investit massivement dans le domaine de la cardiologie, prêtant soutien et domaine d’Argenteuil à des colloques, conférences, rencontres scientifiques de tous niveaux. La lourde opération cardiaque que subit en 1957, son fils, le regretté Prince Alexandre de Belgique a évidemment été l’élément déclencheur de son action.
Cadette d’une fratrie recomposée, la Princesse Esmeralda est celle qui a le mieux connu ses parents, privilège d’une époque qui octroya plus de temps aux activités familiales.
Un portrait ..royal, assorti d’une galerie de photos fabuleuses.
Un vrai et bel hommage.
Apolline Elter
Lilian, Une princesse entre ombre et lumière. Esmeralda de Belgique, Patrick Weber, Portrait – ouvrage cartonné. Ed. Racine, mai 2012, 180 pp, 24,95 €
Billet de faveur
AE, Madame, certaines photos révèlent une ressemblance physique patente avec votre Maman, rendue encore plus flagrante par la multiplication des clichés. En étiez-vous totalement consciente, avant ce travail de sélection?
S.A.R . La Princesse Esmeralda : Je dois vous avouer que je l’ai souvent entendu dire et lorsque j’étais adolescente, cela me gênait plutôt. Par la suite,j’ai compris que c’était un compliment ! Aujourd’hui, mes enfants, en regardant les photos, s’amusent à relever ces ressemblances familiales.
AE : Dans son bel ouvrage, Lettres d’amour en héritage, l’écrivain belge (et psychanalyste) Lydia Flem s’interroge longuement sur la responsabilité qui échoit au dépositaire d’une correspondance amoureuse. Peut-on ou non en publier des extraits au seul motif de lui rendre vie ? Les quelques bribes de lettres, tracées des belles écritures de vos parents, publiées dans ce livre, attisent notre intérêt. Songeriez-vous, à en publier davantage, au nom de la vérité historique ?
S.A.R . La Princesse Esmeralda : C’est exact, c’est une responsabilité importante. J’ai à cœur la vérité historique mais je ressens également de la pudeur et de la réserve en lisant les lettres intimes que mes parents se sont adressées et qui font partie de leur domaine secret.
AE: Patrick Weber, au terme de ce bel ouvrage, avez-vous le sentiment d’avoir fait œuvre de justice ? Restauré dans sa dignité l’image d’une grande dame, méconnue, incomprise ?
Patrick Weber : Cela serait présomptueux. J’espère seulement que ce livre offrira un portrait différent de la princesse Lilian. Une femme au tempérament volontaire mais aussi une femme généreuse, drôle et surtout, amoureuse. Elle a choisi le silence face aux attaques. D’une certaine manière, nous avons répondu à certaines rumeurs infondées et trop longtemps colportées.
AE : Si elle présente un avantage indéniable de collecte des sources, la collaboration rédactionnelle avec la famille d’un personnage historique peut aussi de grever d’obstacles affectifs, de censure latente. Comment s’est passé votre travail de ce point de vue ?
Patrick Weber : Nous ne voulions pas écrire une biographie. Il s’agit d’un portrait et pas n’importe lequel… Un portrait vu à travers les yeux de la fille de la princesse. Personnellement, j’assume tout à fait l’aspect affectif d’une telle entreprise. Pour autant, j’ai eu la plus entière liberté par rapport aux questions posées.
AE : Aviez-vous rencontré la Princesse de Réthy ?
Patrick Weber : Non… mais d’une certaine manière, j’étais heureux d’être dans la situation du Candide pour aborder ce travail. J’étais l’égal de tous ceux qui avaient une certaine image de la princesse de Réthy sans l’avoir jamais rencontrée. Et ma perception a beaucoup évolué au fil de l’écriture et des entretiens avec la princesse.
Commentaires récents