» Je n’en peux plus des hommes, Sarah, je n’en peux plus d’être un homme, je voudrais redevenir l’enfant d’avant la scène de l’armoire, n’avoir rien entrevu des vertiges morbides de la sexualité et pouvoir m’endormir près de vous en vous tenant la main. »
Depuis qu’il s’est plus ou moins affranchi des siens en publiant le retentissant « Priez pour nous » (Ed. Bernard Barrault, 1990) , l’écrivain plonge souvent, profondément, drastiquement , en ses années d’enfance au sein d’une famille noble, financièrement déchue, socialement déçue et d’une fratrie nombreuse de dix enfants.
Avec cette nouvelle autofiction, Lionel Duroy fait le bilan de sept décennies de vie, d’écriture, de reportages, de construction familiale – il est père, il est grand-père – et de relations conjugales belles, longues et rompues.
Une chose est sûre l’acte d’écrire est cathartique, essentiel à sa vie. A sa survie.
Une autre l’est autant: la perte de foi originelle en l’amour que lui porte sa mère, en la raison de cette dernière, intoxiquent gravement son approche des femmes .
« J’ai peur de la femme cachée, Sarah, et de l’homme qui en perd la raison. »
Et le lecteur de se prendre d’empathie, sympathie, pour cet autoportrait sans concessions, pétri de doutes, de « pudique impudeur » , désarmant de sincérité
Et d’indulgence voire d’admiration pour ce bilan d’une vie plutôt bien accomplie, jailli en filigranes d’une écriture magistrale.
« Tous ces événements de mon enfance, je les ai déjà plus ou moins décrits dans différents livres. Et cependant je dois recommencer aujourd’hui car je constate qu’ils ne cessent d’avoir de nouveaux échos en moi, mon regard leur conférant au fil des années d’autres significations, que je n’avais pas su voir, comme si nous étions condamnés à courir toute notre vie derrière la personne que nous sommes sans jamais parvenir à la rattraper. »
Puisse l’homme ne plus trembler, s’abandonner à la sérénité,…
Son havre du mont Ventoux est promesse de paix.
Apolline Elter
L’homme qui tremble, Lionel Duroy, autofiction, Mialet-Barrault Editeurs, janvier 2021, 384 pp