Les frères Y

 

   Avec Les frères Y, paru en septembre 2005, Marie-Eve STENUIT signe son premier roman.

   Comment ai-je pu mettre tant de tempsà découvrir ce petit bijou d’écriture ?

Je vous en conseille vivement la lecture.

 

   Le récit se base sur l’histoire, vraie, de frères siamois, nés en Italie, fin du 19e siècle.

   Distincts par la seule partie supérieure de leur thorax, Giuliano et Gian-Giuseppe Cotti arborent une configuration en Y :

« Lisa avait beau tenter de s’aveugler d’amour maternel, il lui fallait bien admettre qu’elle avait mis au monde un curieux assemblage d’os et de chairs » (p 15).

 

  Et de stigmatiser, dans un style maîtrisé, empreint d’humour et de finesse, le regard que porteront tour à tour la famille, l’entourage, les autorités scientifiques et religieuses sur la monstruosité physique de ce  dérodyme.

 

   Aimés autant qu’exploités par leurs propres parents, les frères Y seront promenés de foires en exhibitions pendant les vingt premières années de leur existence. Sans y céder, l’auteur nous livre une fresque psychologique éblouissante de ceux qui s’adonnent au voyeurisme.

 «  L’homme de la rue, par contre, avait des motivations beaucoup moins avouables. Il venait pour le frisson. Pour avoir peur. Ou pour rire. Il venait pour se moquer. Et pour se rassurer. Quoi qu’il pensât de lui-même, en effet, il avait pire en face de lui. Cette constatation réconfortante ne lui coûtait qu’un billet d’entrée, un peu plus s’il souhaitait emporter chez lui une image du « pire » pour en profiter plus longtemps » (p 44) 

   Marie-Eve Sténuit pratique une écriture sobre, truffée d’un humour subtil qui donne à son propos une touche proprement irrésistible. 

 

   Un livre plaisant qui nous invite, l’air de ne pas y toucher, à nous pencher sur le regard réducteur que nous portons aux incongruités physiques.

 

   Apolline Elter

 

Les frères Y, Marie-Eve Stenuit, « Escales du Nord », Le Castor Astral, sept.2005, 225pp