« Louise était le mystère absolu, y avoir accès eût été la plus grande des déceptions »
Ce premier roman est magique, en tous points envoûtant, le traduire de raison serait la plus grande des déceptions.
Aussi ne vais-je pas m’y employer.
Je vais souscrire à son excipit, tenter d’en brosser compte rendu et vous inviter à une vraie émotion de lecture, parcourue, aérée de nombreux moments de fantaisie et d’humour.
Dévasté par la mort de Louise, son épouse, Adrien assiste au procès que lui intente AquaPlus, sa société, pour désertion de poste. Relégué dans un infect cagibi, suite à la restructuration de la société, l’agent de liaison au département « Relation clients » a déclaré forfait préférant accompagner en mode vie la dernière tranche de celle de Louise, terrassée par un cancer du poumon. L’entreprise n’a constaté son absence, qu’au terme approximatif d’une année et lui réclame les salaires indûment perçus.
Le présent du procès et les interventions de Vaxe, un juge septuagénaire déconcertant, alternent avec la relation des années de vie partagée avec Louise.
A l’instar de Louise, la mère du narrateur d’En attendant Bojanglès (Olivier Bourdeaut ) – laquelle ne porte jamais plus de 2 jours de suite le même prénom …– la jeune héroïne des Déraisons, introduit dans la vie quotidienne ce grain, ce silo de folie qui fascine son solitaire de mari. Des dialogues obligatoirement ponctués de rimes à la couleur du dentifrice changée chaque jour, la digne « fille de Dali et de Pol Pot » habille la banalité récurrente, la danse, la peint, de sa fantaisie abyssale. Aussi, quand elle apprend sa maladie, et vite comprend son côté incurable, décide-t-elle de l’aborder, de ce prisme loufoque, complètement …déraisonnable qui fait son charme, sa force, son côté attachant, tout simplement bouleversant.
« Elle avait déplacé le centre de gravité des événements, leur avait ôté leur côté obscur »
Primé par le Prix de la Closerie des Lilas – souvent très bien inspiré – ce premier roman est un chef d’œuvre. Il allie un style tonique, maîtrisé, à un phrasé dense, pétri de paradoxes, d’oxymores, de métaphores inventives, d’une éloquence inouïe – à la David Foenkinos – et subtilement aéré d’allers et retours entre le présent du procès et le récit d’amour qui enserre Adrien et Louise.
Vous l’aurez compris, j’ai adhéré ; je crois même que j’ai… adoré
Une auteur à suivre, assurément.
Les Déraisons, Odile d’Oultremont, roman, Les éditions de l’Observatoire, janvier 2018, 220 pp
Billet de ferveur
AE : parler avec humour d’une maladie incurable est exercice d’équilibriste. Vous relevez l’exploit brillamment. Plutôt que voir son traitement en ennemi, Louise s’y intéresse, s’en fait amie, découvre, avec curiosité voire enthousiasme, les changements opérés en son corps. Il faut oser .. et il y a du génie à le faire. Mais il faut aussi se sentir « autorisée » à parler ainsi. Quelles ont été les réactions des lecteurs confrontés au cancer ?
Odile d’Oultremont : Je craignais un peu les retours de gens qui étaient, eux, réellement passés par là. Ecrire sur un sujet que je n’avais pas éprouvé moi-même c’était bien sûr un risque et en même temps c’est essentiellement là que se situe tout mon intérêt pour la fiction : la liberté totale que propose l’imagination. C’est pour moi le vrai bonheur de la littérature. Et en fait, tous ceux qui sont venus m’en parler étaient très enthousiasmés par l’histoire de Louise et sa manière d’appréhender la maladie.
AE : L’écriture est travaillée, ciselée, on le sent. Vous êtes écrivain. Une vraie
A quand votre deuxième roman ?
Odile d’Oultremont : Je suis en cours d’écriture du second roman. Sa sortie est prévue à la rentrée fin aout 2019.