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« Il en allait autrement depuis ce fameux 11 septembre 2001. De semaine en semaine, le poids de l’événement s’alourdissait dans les consciences. Pareil à des éclats de métal en fusion, il s’enfonçait dans les mémoires, y suscitant des terreurs paranoïaques, et des haines bestiales. La perspective en révélait à la fois la nature monstrueuse et la portée. Certes, une vaste part de la planète mesurait l’infamie de la mise à mort de milliers d’innocents qui n’avaient même pas connaissance de la fureur de l’islam radical contre l’Occident, cependant qu’une autre se félicitait plus ou moins secrètement de l’humiliation de cette entité quasi fantastique: América. »
S’il est un écheveau impossible à démêler, pour le quidam occidental, c’est celui du Moyen-Orient. Découpés artificiellement lors des accords de Sykes-Picot – le 16 mai 1916 – les territoires s’enflamment, les communautés musulmanes, juives, chrétiennes, .. se déchirent régulièrement, depuis des décennies, guidées par des leaders extrêmistes, quand elles ne sont désinformées par des puissances occultes externes.
S’il est un écrivain qui maîtrise la compréhension du sujet, ses enjeux, c’est bien le romancier franco-égyptien, Gilbert Sinoué. Il nous offre, en ce début d’année, le troisième volet de la saga Inch Allah (Ed. Flammarion) qui de 1916 à nos jours, décrit la poudrière qu’érigèrent les accords conclus entre l’Anglais Mark Sykes et le Français François Georges-Picot. Je vous invite à retrouver les billets consacrés aux deux premiers tomes (Le Souffle du jasmin et Le Cri des pierres) en cliquant sur les couvertures en vitrine du blog.
Pour l’heure, le troisième volet s’ouvre sur la tragédie du 11 septembre 2001, l’effondrement des tours new yorkaises du World Trade Center.
Romancier à succès, Gilbert Sinoué traduit l’Histoire et ses enjeux par le biais des destins individuels, il l’habille de chair et émotions. Un art qui parle au lecteur et le marque plus sûrement que chiffres, dates et statistiques.
Et d’ainsi le promèner à la rencontre de l’Israëlienne Joumana, la Palestinienne Majda, l’Egyptienne Samia, l’Irakienne sunnite Solheil, le chiite Chérif,le Français Thierry, ….de septembre 2001 à février 2011 en un voyage d’Israël à Gaza, d’Egypte en Irak, Syrie et même Paris, confrontant en une simultanéité spatiale, événements, sensations, sentiments . Amours et morts se greffent qui réunissent des couples imprévus, une sunnite et un chiite, une Egyptienne chrétienne et un Français, donnent naissance aux enfants de l’espoir.
Et de tracer sans concession la fumisterie américaine qui déclencha l’opération « Choc et stupeur » et la guerre d’Irak, le 20 mars 2003.
Une fresque magistrale
Apolline Elter
Les cinq quartiers de la Lune, Gilbert Sinoué, roman, Ed Flammarion (3e tome d‘Inch Allah), février 2016, 398 p
Billet de faveur
AE : Gilbert Sinoué, alors que les autorités se déchirent, figent les dissensions dans des grilles d’interprétation obsolètes, certains de vos protagonistes transgressent les clivages : Majda, palestinienne a été adoptée par des Israëliens puis elle retourne auprès des siens, Solheil, la sunnite, découvre l’humanité de sa belle-famille chiite, … L’harmonie est donc possible, elle est sagesse populaire. C’est un message d’espoir que vous entendez délivrer ?
Gilbert Sinoué :
Je ne sais plus qui disait : « Quand je veux envoyer un message, je passe par la poste ». Non, aucun message. D’autant que je suis convaincu que dans l’état actuel des choses, les protagonistes sont aveugles et sourds. En revanche je crois en l’humain à titre individuel. Récemment un roman (Geder Haya) a fait scandale en Israël car il décrit l’amour entre une Israélienne et un Palestinienne. Il est devenu un des livres les plus vendus après avoir été écarté des programmes scolaires par le gouvernement conservateur de Benyamin Netanyahou. Qu’est ce que ça prouve ? Sinon que, Dieu merci, il existe des êtres qui, dans leur coin, se battent à leur façon pour un monde meilleur. C’est un combat que (en toute modestie) je revendique à travers cette saga.
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