Un essai engagé |
« Comment pardonner à Zweig son suicide?
Comment y être sensible?
Ce n’est que le geste d’un génie imbu de lui-même. Qui pense que le monde entier va verser des larmes. Bouleversé par le déchirant suicide d’un tel artiste. Pas une larme ne doit couler pour Stefan Zweig. Il ne mérite qu’un éternel mépris. Et avant tout de la part de ses lecteurs qu’il a trahis aussi, bien sûr. Les larmes, on peut les verser pour la petite Scholl, pour Kolbe, pour Von Stauffenberg, pour tant d’Allemands, d’Autrichiens qui sacrifièrent leur vie pour la dignité humaine. »
S’il est bien un geste que Francis Huster dénonce, c’est le suicide du célèbre écrivain viennois. Un départ de la vie perçu comme une démission, point de chute d’un parcours passée en fuite de soi.
Fin connaisseur, ardent admirateur de l’oeuvre zweiguienne, du génie avéré de l’écrivain, le célèbre comédien entend marquer le départ entre sa vie et ses écrits. Et il ne le fait pas de main morte, engageant avec Zweig une partie d’échecs implacable, fougueux dégagement de cet engluement romantique, du mythe de martyr dans lequel la postérité l’a souvent figé.
Un coup de fouet déconcertant mais aussi vivifiant.
L’essayiste s’emballe, dénonce la neutralité délétère de l’Autrichien, son absence de solidarité envers les Juifs, opérant d’une introspection intérieure, minutieuse, sans concession, une visite éclairée de sa vie, de son âme.
A l’instar d’Albert Camus, dont il a adapté, interprété La Peste, plus d’un millier de fois, Francis Huster se fond en Stefan Zweig, Joueur d’échecs peu à peu mis à mat.
Apolline Elter
L’énigme Zweig, Francis Huster, essai préfacé par Eric-Emmanuel Schmitt, Ed. Le Passeur, oct.2015, 224 pp
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