Le voyant d’Etampes

« Vingt-cinq ans après sa mort, une maison d’édition française éloquemment appelée Arrière-Garde se pencha sur le cas Willow. Elle décida de publier ses poèmes en français, avec une préface embarrassée. Willow était-il un farceur? Un auteur de pastiches? Fal1ait-ille prendre au sérieux? Lisez toujours, disait en substance l’éditeur. Lisez toujours et faites-vous une idée. C’est à cette époque que je tombai sur un de ces petits rondeaux pleins et polis comme des galets. Tout le monde rêvait d’être un découvreur. Je m’imaginai passeur d’un génie et m’enorgueillis de comprendre, seul, une œuvre injustement méprisée. « 

Tel est l’enjeu du deuxième roman de Quentin Abel, l’auteur du très remarqué Soeur, (Ed. de l’Observatoire, 2019) , lauréat du Prix Première 2020 (cfr chronique sur votre site préféré.)

« Universitaire raté et talentueux, père intermittent, piètre amoureux, égocentrique, alcoolique », Jean Roscoff – le narrateur – va trouver, en la découverte d’une œuvre littéraire méconnue, une bouée de sauvetage existentielle. Il s’agit de  faire connaître au public français, la vie et les écrits de  l’écrivain noir américain Robert Willow, injustement tombé dans l’oubli, après son décès inopiné – un accident de voiture.. – en 1960.

1960 est l’année précise de la naissance du sexagénaire. Nous sommes en 2025, Jean Roscoff a donc  65 ans.

Le titre de son essai s’impose  » Le Voyant d’Etampes » qui rend hommage à la résidence de l’Américain, durant les années 50 en la commune de l’Essonne.  Sa publication permettra de surcroît à son auteur de se racheter une virginité après la parution pour le moins controversée, en  1995, de la biographie des époux Rosenberg, des communistes américains, doublés d’espions au service de l’URSS..

Notre homme se jette à fond dans cette tâche hautement rédemptrice;  L’essai paraît en tout début d’année..

Mais l’époque, les réseaux sociaux ne sont pas tendres, qui vont,  après un silence de cruelle indifférence,  laminer l’essayiste au motif que ce dernier a omis de préciser d’emblée que Robert Willow était … noir

« C’est que tu es passé à côté de ton sujet. Désolé de te le dire, Jean. Tu as tapé à côté. Ce n’est pas ta faute: un Blanc ne peut pas savoir ce que ressent un Noir discriminé à cause de sa couleur de peau »

Dénonçant avec brio  les méfaits de l’imposture intellectuelle, en même temps que ceux des diktats générationnels,  Abel Quentin signe un roman subtil et percutant.

Apolline Elter


Le voyant d’Etampes
 Abel Quentin, roman, Les Editions de l’Observatoire, août 2021, 372 pJean. Tu as tapé à côté. Ce n’est pas ta faute: un Blanc ne peul

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