« Dans tous les vignobles français, à Bordeaux, à Cognac, à Reims, à Épernay, à Beaune ou dans le Midi, l’histoire de ce pillage est aussi celle d’un immense tabou, toujours très présent aujourd’hui, à la croisée des chemins entre la persistance du mythe résistantialiste et l’incroyable compromission qui s’est alors emparée des esprits. Elle est encore celle d’une tragédie, d’un drame irréparable qui sauva la vigne et les vins de France de la dévastation au prix fort du déshonneur. Elle est enfin celle d’un étourdissement, d’un vertige et d’une chute qui emportèrent toutes les consciences vendues à qui le voulait, dans une soif de profits obscène où la fin justifie tous les moyens. C’est là, sans aucun doute, une leçon qu’il nous faut conserver. »
Magistral excipit d’un essai qui ne l’est pas moins et démontre, sous nos yeux ébahis, la colossale mise à sac et à sec des caves françaises durant l’Occupation.
L’angle d’approche est assez inédit, la recherche heuristique, méticuleuse, exhaustive, qui révèlent combien l’Allemagne fit de la France son garde-manger- de choix , la France est alors la première puissance agricole d’Europe – , sa cave de grands crus – Le vin est sa principale production et source de richesse -au point d’enliser de nombreux dignitaires, épris de luxe, de vie à la française, dans une vie trop peu offensive, au dépit du Führer.
« En remportant une victoire facile contre la France, l’armée allemande accède sans effort aux délices d’un pays devenu la corne d’abondance du Reich. Jouir de ses productions, de sa gastronomie et de ses vins est un penchant qui contamine vite toute une armée peuplée de soldats marqués par des années de restrictions. (…) . En s’abandonnant aux plaisirs de cette nouvelle Capoue que sont Paris et la France de l’Occupation, de nombreux officiers et soldats basculent dans une quête obsédante et infinie des petits et des grands bénéfices de la guerre. »
Un Occupant, des « Weinführer » qui trouvent hélas trop de bonnes volontés parmi des viticulteurs soucieux de s’enrichir.
La demande dépasse rapidement l’offre, la pénurie s’invite dès 1942 et avec elle, un immense marché noir à travers les factions allemandes et collaborationnistes.
Les palaces parisiens sont réquisitionnés, le champagne coule à flots, rapprochant dans un funeste élan de sympathie, officiers allemands et autochtones compromis
In vino veritas …
Inscrivant ce pillage gigantesque dans l’exacte chronologie des exactions et événements, l’historien livre la vérité de vins, vecteurs d’effroyables compromissions.
Le prisme interne, méconnu, interpellant, révoltant, captivant, d’un colossal hold-up consenti et garanti par les autorités françaises elles-mêmes »
Apolline Elter
Le vin des nazis, Christophe Lucand, essai, Ed. Grasset,, mars 2023, 352 pp