« Je n’ai jamais pu cesser de soupçonner Véra de me couper délibérément l’accès à son intérieur »
Lorsqu’Agathe débarque de New York en sa bâtisse « fatiguée » et natale du Périgord, c’est dans le dessein de la vider, aux côtés de sa soeur cadette, Véra. Leur père est décédé voici cinq ans: les soeurs disposent de neuf jours pour libérer la maison de toute occupation.
Neuf jours pour tenter de renouer une relation diluée dans quinze années d’absence – celle d’Agathe – tenter d’exprimer leur affection par un autre biais que celui de la parole: Véra en est privée: elle est devenue soudain aphasique à l’âge de six ans.
» Aussi loin que j’arrive à remonter dans ma mémoire, Véra s’y trouve quelque part. Sauf l’enterrement de notre père, je réalise que je ne partage aucun souvenir d’adulte avec elle. Tout s’arrête à mon départ aux États-Unis, sous son regard de douze ans qui me dit: tu m’as menti. »
Agathe avait en effet promis qu’elle serait toujours là pour sa soeur; elle a failli à sa promesse et à la charge trop lourde d’être sa constante interprète.
Les souvenirs affluent sous la plume de la narratrice tandis que se tisse en creux, sous une écriture sobre, factuelle, froide, par moments, l’ébauche d’une complicité nouvelle Véra a conquis son indépendance, elle stabilise des fleurs; Agathe tente de surmonter le deuil d’une grossesse interrompue dont elle ne sait si elle l’a vraiment désirée.
Un roman dont le silence est constitutif, constructif, éloquent
Il a obtenu le Prix Wepler – Fondation de la Poste fin 2023
Le vieil incendie, Elisa Shua Dusapin, roman, Ed. Zoé, août 2023, 144 pp