De ce monarque sensuel, mélomane, mégalomane, homosexuel et fantasque, Isaure de Saint-Pierre dresse un portrait attachant, en tous points fabuleux.
Quelque peu dépassé par son tempérament, ses affections, folles dépenses et constructions pharaoniques, ce souverain romantique était néanmoins très investi de sa fonction, attaché au bien de ses sujets bavarois, qui en majorité lui en savaient gré: il était très aimé.
Soucieux de construire le mieux possible l’indépendance de la Bavière, de lui préserver la paix, composant avec l’autorité centralisatrice inéluctable d’un Bismarck, Louis II apparaît sous un jour plus favorable que prévu, plus sincère aussi.
C’est à contre-cœur qu’il se voit entraîner dans la guerre de 1870 aux côtés de la Prusse, pour combattre ces Français dont il admire la culture. Louis II écrit à son cousin, le Kronprinz Frédéric de Prusse:
« Je pense pouvoir être assuré encore, par le jugement éclairé de ton auguste père, qu’il est aussi dans sa volonté de conserver à la Bavière, à l’égard de la tendance « nationale-allemande », son intégrité gouvernementale, que cette guerre ne doit en aucun cas entamer, mais au contraire fortifier. »
Mais il n’aura pas gain de cause : le nouvel empire allemand, auréolé de sa victoire sur la France, inclura la Bavière parmi les 25 états qui le composent.
« C’est aujourd’hui ma première chevauchée de vassal » confie le roi, déconfit, à son secrétaire.
Platoniquement épris du génie de Richard Wagner, divin mentor placé sur son chemin, le jeune roi fera au compositeur quinquagénaire en déroute, un pont d’or pour ses créations. Plus tard, il le soutiendra dans sa grande entreprise de Bayreuth. Fougueux dans ses passions successives – ses amants sont des hommes- Louis II est aussi lié d’une grande affection à sa cousine, l’impératrice Sissi, de huit ans son aînée.
Abondamment étayée de correspondances, la biographie du royal résident de Berg, Hohenschwangau, Neuschwanstein, Linderhof et de Herrenchiemsee, …se dévore comme un roman passionnant.
Je vous en recommande vivement la lecture.
Apolline Elter
Le roi des rêves, Louis II de Bavière, Isaure de Saint-Pierre, biographie, Ed. Albin Michel, février 2015, 236 pp
Billet de faveur
AE: Nous l’évoquions, le fil de la narration se nourrit d’abondants extraits de correspondances, avec Wagner, Sissi, la baronne von Leonrod, …. Quelles ont été vos sources? En avez-vous opéré vous-même les traductions?
Isaure de Saint Pierre: J’ai une bonne bibliothèque concernant Louis II, Sissi, Napoléon III, j’ai déjà d’ailleurs écrit plusieurs bouquins sur cette période, dont « La dame de cœur », mettant en scène un amour de Napoléon, la très belle comtesse de Castiglione, et « L’impératrice aux chimères« , retraçant la vie tragique de Charlotte de Belgique devenue impératrice du Mexique. Et j’ai été chaque fois frappée par l’extrême sensiblerie de cette époque. On emploie des termes excessifs, on verse des torrents de larmes à tout propos, mais nul n’égale en ce domaine les excès épistolaires de Louis II. J’ai donc glané dans tous les livres que je cite dans ma bibliographie ses lettres et ai gardé les plus significatives. Ne parlant hélas pas un mot d’allemand, je me suis fiée aux traductions existantes.
Commentaires récents