» Vingt-deux années aux Bâtiments, malgré toutes les vicissitudes, n’avaient pas été vaines, elles laissaient un patrimoine dont il pouvait être fier. Paris s’était transformé. Avec la disparition de Soufflot un temps se terminait mais ils avaient ensemble préparé les temps du futur. Les Parisiens des siècles à venir marcheraient dans les pas de Marigny et dans ceux de Soufflot. »
Est-il meilleur bilan de vie que celui que trace Monique Demagny, au terme d’un très beau roman historique, centré sur le marquis de Marigny (1727-1781).
Né Abel Poisson de Vandières, le marquis de Marigny, puis de Menars, était le frère chéri de Madame de Pompadour, célèbre favorite de Louis XV. Envoyé en Italie pour un voyage d’initiation aux arts de 25 mois, en compagnie de Charles-Nicolas Cochin et de Jacques-Germain Soufflot, Abel en revient marqué à vie par l’influence italienne et le sceau d’amitiés indéfectibles.
Nommé Directeur général des Bâtiments – nous sommes en 1751 – le jeune homme assurera pendant 22 ans l’entretien des demeures royales – les locataires de Versailles lui donneront du fil à retordre… – ainsi que la réalisation d' »ouvrages d’intérêt général« . On lui doit notamment l’aménagement de la place Louis XV – actuelle Place de la Concorde – autour de la statue du monarque, le chantier de l’église Sainte-Geneviève, celui de la Madeleine, ….fruits d’une passion et d’une probité jamais démenties.
(Mal) marié, il essuiera d’un deuil cruel son rêve de paternité.
Alliant à l’élégance de plume, un sens de la formule et de la narration savamment dosée , Monique Marigny nous « offre le rêve d [‘un] Marigny [qui] « rêvait haut, rêvait grand. »
Une lecture recommandée.
Apolline Elter
Le rêve de Marigny, Monique Demagny, roman, JC Lattès, avril 2012, 342 pp, 19 €
Billet de faveur
« Ces gens-là me regarderont toujours du haut de leur arbre généalogique avec une condescendance que je ne suis pas près de tolérer »
AE : Monique Demagny, l’origine roturière d’Abel Poisson et l’orgueil dont il faisait montre, ont-ils été le moteur des réalisations grandioses qu’on lui doit. Avait-il quelque chose à (se) prouver, sans droit à l’erreur ?
Monique Demagny : Il ne fait aucun doute que le jeune Abel Poisson avait une revanche à prendre. C’était dans son jeune âge un écorché vif, cruellement blessé par les railleries de mauvais goût dont il était l’objet. Quand il prend sa charge il n’a pas plus de peur que de fausse modestie. Il sait qu’il peut assumer. Il s’y est préparé par le voyage d’Italie sous la conduite de deux mentors remarquables. Il a les clés, et une solide ambition, mais il a tout autant conscience qu’il n’a aucun droit à l’erreur. Toute la cour attend sa chute, il n’a pas d’autre choix que de s’imposer. Il doit frapper fort et haut. Le défi s’impose, vis-à-vis des autres et, effectivement de lui-même. Si vous ajoutez à cela l’enthousiasme d’un jeune homme impétueux décidé à bousculer un peu les vieilles gloires et à initier un art « moderne »….
AE : Pour rédiger cette biographie, vous vous basez, entre autres, sur la correspondance de Madame de Pompadour et de son frère. Comment se présente-t-elle ? Révèle-t-elle la tendresse de leurs relations ? J’imagine qu’elle a été une précieuse voie de compréhension.
Monique Demagny : Effectivement la correspondance de la marquise de Pompadour et de son frère a été une source précieuse pour mon travail. Cette correspondance est une correspondance privée. Et c’est ce qui fait toute sa valeur. Abel raconte son voyage à Jeanne, ses découvertes, ses enthousiasmes, son bonheur, et Jeanne, fidèle à son rôle, avec le sens du devoir qui ne la quitte jamais, distille ses conseils, rappelle inlassablement les règles du jeu. Les détails du périple italien, Jeanne les connaît déjà. Les ambassadeurs du roi de France dans toutes les principautés d’Italie ont déjà fait leur rapport. Parfois, fière du « cher bonhomme » elle se laisse aller à un compliment, vite tempéré par une recommandation, une mise en garde. C’est intime, c’est vivant, la tendresse inonde les lettres.
AE : Demagny / Marigny…vos patronymes se ressemblent…..D’où vous est venue l’envie de rédiger la biographie de Marigny ?
Monique Demagny : Il ne s’agit là que d’un hasard de consonances ! Ce livre a son origine dans une conversation avec une amie libraire, ancienne élève de l’Ecole du Louvre, qui admire Marigny et se désolait que personne ne lui ait consacré un ouvrage depuis l’excellent opuscule d’Alfred Marquiset qui date de 1918. Lancée sur la piste, je me suis passionnée.
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