« La musique était considérée comme une anticipation du mariage: la métaphore de ce qu’il serait. Il reflétait l’accord parfait avec le monde.«
Volodia est maître de conférences à Paris-IV. Historien, il travaille, à l’invitation de l’académicien Anténor, le thème de l’éducation des jeunes filles, aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Une évidence s’impose au mélomane qui (sé)vit en lui: la pratique du piano est expression (à peine) cryptée de sensualité, de sexualité. Il lui faut dès lors en étudier place et fonction dans l’éducation féminine. La liaison torride, allegro ma troppo qu’il amorce avec la pianiste Sonia Biasetti déborde les fantasmes,
Mais elle est suivie de trahison.
Le parcours initiatique du narrateur, son éducation sentimentale très flaubertienne, va renaître de ses cendres et s’immoler de passion pour la virtuose Sophie Baxter, dont le portrait et le tempérament mystiques, évoquent par bien des points ceux d’Hélène Grimaud. En ce compris son génie d’interprétation de Brahms et d’une oeuvre inédite du célèbre compositeur.
Premier roman d’un écrivain supérieur – mais, journaliste, éditeur, érudit, mélomane, Stéphane Barsacq n’en est pas à son coup d’essai en matière …d’essais- l’ouvrage révèle une plume fabuleuse. Une facture qui nous évoque l’écriture d’un Nicolas d’Estienne d’Orves. C’est dire comme nous l’avons…dévoré.
Apolline Elter
Le piano dans l’éducation des jeunes filles, Stéphane Barsacq, roman, Ed. Albin Michel, janvier 2016, 352 pp
Billet de faveur
AE : Les nombreuses références littéraires, musicales qui parcourent le roman révèlent une impressionnante érudition, l’étude maîtrisée des sujets que vous abordez. Avez-vous conçu ce (premier) roman comme une sorte de récréation culturelle, comme l’établissement d’une logique entre différentes passions ?
Stéphane Barsacq : Je voulais interroger ce que signifie l’amour à notre époque. Pour comprendre une chose, il faut être en mesure de la comparer. Nous sommes les héritiers de siècles qui ont réfléchi à cette question. Leurs réponses et les nôtres ne sont pas les mêmes. Je voulais donc saisir ce qui sépare ou rapproche ces conceptions de l’amour – en littérature, en musique -, et ce que nos contemporains peuvent en faire, soit pour les combattre, soit pour s’y ressourcer. Il y allait de la volonté d’écrire un roman moderne, avec un fond classique, ou de donner une teinte moderne à des questions intemporelles. Autrement dit, je voulais savoir ce que nous avions fait de l’amour et si nous étions toujours capables d’un grand amour. Non une passade, joyeuse ou malheureuse, non une récréation érotique que j’analyse aussi. Un grand amour, un vrai. Celui qui donne du sens à la vie.
AE : Volodia impute à Max Jacob, la phrase dont s’inspire le titre : « Le piano dans l’éducation des jeunes filles est la cause de tous les adultères ». Le célèbre poète a-t-il vraiment prononcé ces mots ? Dans quel contexte ?
Stéphane Barsacq : Oui, cette parole est bien de Max Jacob, je l’avais lue dans un texte de son ami Jean Cocteau. Max Jacob s’adonnait à l’humour et au cocasse. Un ami de 98 ans, qui l’a vu, m’en a parlé encore récemment. Il a eu ce mot : « C’était le bouffon de Dieu ». Laissez-moi vous citer une autre parole de lui que je trouve réjouissante: « Le Paradis est une ligne de craie sur le tableau noir de ta vie, vas-tu l’effacer avec les diables de ce temps ? »
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