« Car la chasse pour nombre de ses adeptes, relève de la fatalité. Elle répond à un appel mystérieux venu du fond des âges et que le profane ne peut comprendre. »
S’il est vrai que la chasse – et les chasseurs – subissent régulièrement les attaques des défenseurs de Bambi, il est moyen de doter cette passion d’une vraie éthique. C’est ce que Bruno de Cessole entend démontrer au sein d’un petit roman brillant, écrit de plume magistrale, nourri de réflexions philosophiques, de références bibliographiques.
» Pistage de l’aube et affût du crépuscule: dans l’un et l’autre cas, le propre du chasseur est d’être sans cesse sur le qui-vive, d’écouter le moindre bruit et de l’interpréter, de scruter la savane ou la forêt avec une inlassable patience, dans l’attente d’un gibier qui peut surgir inopinément d’un point ou d’un autre. Se dépouiller de soi, faire le vide pour accueillir l’imprévisible«
Passionné de vénerie, déclinée en expéditions africaines , l’auteur traverse le temps à la rencontre de siècles antérieurs, de la genèse de l’Humanité et d’une forme certaine de bonheur.
Inscrit dans l’avenante collection des « Petits romans’ (éd.du Rocher), l’essai de Bruno de Cessole constitue une piste de méditations intéressante, parce qu’intellectuellement honnête, qui libère le profane de quelques poncifs liés à la pratique de la chasse. S’il n’entend -mission impossible – restaurer pleinement la paix des ménages, l’ouvrage confortera les « disciples de Saint-Hubert » du bien-fondé de leur passion.
Apolline Elter
Le petit roman de la chasse, Bruno de Cessole, éd. du Rocher,octobre 2010, 120 ppp, 9,9 €
Billet de faveur
AE: Bruno de Cessole, vous établissez un lien direct entre la chasse – qui consiste à donner la mort – et l’appréhension de sa propre fin. La chasse est leçon de mort, en quelque sorte?
Bruno de Cessole: La conclusion, toujours aléatoire certes, de la chasse consiste à s’emparer du gibier, donc à donner la mort. Le chasseur s’arroge un droit exorbitant, qui n’est autre qu’un attribut divin. En ce sens, la chasse est beaucoup plus qu’un sport, un divertissement, et un art. Elle a partie liée avec le sacré, et c’est sans doute pourquoi elle est objet de scandale dans nos sociétés laïcisées qui refusent de regarder la mort en face. Avec le soldat, le chasseur est le seul acteur de la société contemporaine à avoir un rapport direct avec la mort , et, pour ma part, il me semble évident que chasser c’’est donc apprendre à mourir, à apprivoiser sa propre fin à travers celle de l’animal de chasse. A cet égard, le courage, la dignité, de certains grands animaux sur leurs fins sont exemplaires, comme Vigny l’avait souligné dans son poème « La mort du loup ».
AE: La chasse est leçon de vie, aussi. Vous évoquez sa dimension conviviale: camaraderie de la battue, partage des paniers, dîners qui couronnent la journée, …cette convivialité ouvre-t-elle vraiment les barrières sociales?
Bruno de Cessole: L’autre versant de la chasse c’est le sentiment qu’elle donne à qui la pratique de rendre plus intense le sentiment de l’existence. La dimension « tribale » d’une partie de chasse collective s’accompagne de cette convivialité que vous évoquez. Celle-ci transcende les appartenances sociales et les différences de « classes » , tout du moins durant la chasse. Même si cette mise entre parenthèses n’est pas durable elle représente, indubitablement, l’un des attraits de la chasse.
AE : Vous instituez la chasse socle des premières sociétés et hiérarchies sociales. Précède-t-elle le langage?
Bruno de Cessole: Je ne puis répondre à cette question avec certitude, mais, pour avoir beaucoup chassé à l’étranger, et en compagnie de pisteurs appartenant aux derniers « peuples chasseurs » de la planète, je peux témoigner que le langage des gestes et des mimiques, est un moyen de communication très efficace, qui a du préexister à la parole.
AE: Et pour conclure, rituellement, de façon proustienne, votre « madeleine » consiste-t-elle en un repas de chasse?
Bruno de Cessole: Non, ma « madeleine proustienne » relève plutôt de l’ordre des émotions qui ponctuent toute partie de chasse. Je n’ai pas gardé de souvenirs nostalgiques des repas de chasse sophistiqués auxquels j’ai participé. Ma préférence va plutôt aux casse-croutes sur le pouce durant une journée de chasse : oiseaux que l’on a tirés, grillés , à l’heure du déjeuner, sur un feu de bois , « asado » préparés par des gauchos en Argentine, paniers que l’on partage après un laisser-courre, au débotté…
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