Le père adopté

  

C’est une longue lettre posthume, une sorte de dialogue à une voix, un « chantier d’amour » que Didier van Cauwelaert entame avec René van Cauwelaert, son père, décédé en 2005. Et nous voici, lecteurs, témoins, un peu embarrassés parfois, de cette connivence, estime mutuelle, tendresse pudique qui constitua la relation des deux hommes.

«  Ton extrême pudeur et mon besoin de silence, couverts par nos réputations d’extravertis, créaient en nous ces connivences d’une étanchéité parfaite, ce respect mutuel et cette part de mystère que chacun tenait à préserver chez l’autre. » (p 227)

L’auteur nous y invite : il souhaite inscrire la trame de ses enfance, vocation d’écrivain, généalogie,  partager avec le lecteur les souvenirs heureux, le non-dit, le pénible à avouer. C’est sa façon de faire perdurer,  à ses côtés, ce père tant aimé – et, en filigrane, l’amour de ses parents – transcender son départ, l’adopter pour la seconde fois, rétablir, enfin, quelques vérités.

« Tu as réussi ce que très peu de pères considèrent comme leur objectif ultime : être aimé à la fois comme un maître et comme un faire-valoir. » (p 32)

Un livre qui se livre… en toute confiance.

« ..j’avais la grosse tête à sept ans. Elle n’a cessé de réduire depuis. » (p 16)

« Je n’ai jamais été un surdoué. Un exploité, oui. Je me suis exploité sans relâche, comme un mineur de fond, et je continuerai jusqu’à ma mort, jusqu’au fond de la mine. C’est mon destin, ma règle du jeu, mon devoir. » (p 25)

« …cet élan protecteur qui demeure aujourd’hui encore l’un de mes plus fréquents réflexes et mon talon d’Achille. » (p 150)

Des sentences à infuser : « La vraie générosité se nourrit toujours d’une part d’exaltation égoïste, sinon elle n’est qu’abnégation – un élan obligé, beaucoup moins efficace. » (pp 181- 182)

Merci Didier van Cauwelaert pour ce témoignage que vous nous offrez mais aussi, cette conclusion apte à réconforter vos innombrables fans : « ..trois facteurs me rendent impropres à l’analyse sur divan : je me connais très bien, je préfère m’intéresser aux autres, et mes problèmes psychologiques sont un carburant que je ne laisserai jamais personne me siphonner contre paiement. » (p 82)

 

Le père adopté, Didier van Cauwelaert, Albin Michel, Paris, 2007, 282 pp

             Les infusions littéraires d’Apolline Elter ©