« Ceci n’est pas un récit imaginaire. Tout ce que j’ai écrit s’est réellement passé, les personnages de cette histoire ont réellement existé. En la reconstituant, en lisant les documents, en approchant au plus près ceux qui l’ont vécue, j’ai découvert l’importance de l’infime, des objets sans valeur, des meubles d’un goût douteux, et même d’un vieux manteau élimé. Car les choses les plus communes peuvent révéler des scénarios de passion insoupçonnée. »
Sauvée de la putréfaction par l’obstination d’un collectionneur, le parfumeur Jacques Guérin, la célèbre pelisse de Marcel Proust est désormais conservée, à l’abri des regards, dans une salle de l’hôtel Carnavalet.
Consciente de la symbolique majeure que revêt l’habit – Marcel Proust s’y enveloppait pour rédiger,de son lit, la Recherche – la journaliste Lorenza Foschini opère une enquête pour en tracer l’exacte dévolution. Focalisée sur la personne de Jacques Guérin, nez de la compagnie française des parfums d’Orsay, amateur éclairé de manuscrits rares et précieux et … passionné de l’oeuvre de Proust, l’investigation retrace une épopée palpitante: la rencontre de Robert Proust, frère de Marcel, légataire des manuscrits du défunt et la sauvegarde in extremis d’effets précieux, à la mort de Robert Proust. Dans son inculture – et sa patente mauvaise grâce – Marthe Proust, sa veuve, n’a, en effet, rien de plus pressé que de vendre ou détruire ce qui appartenait à son beau-frère. Elle cède ainsi le manteau élimé, à un certain Werner, son homme à tout faire , pour ses parties de pêche dans la Marne.
» Le parfumeur touche délicatement le manteau, effleure les boutonnières et les boutons qui ont été déplacés pour mettre le manteau croisé à la mesure du corps plus jeune et plus mince du brocanteur. Les noeuds de fil épais de l’ancien boutonnage sont encore visibles. Sa main glisse jusqu’à l’ourlet décousu, attaqué par l’eau de la Marne, puis il défait les boutons et tâte la fourrure de loutre noire, fanée à présent, et dont les poils clairsemés laissent voir l’envers du tissu en laine. En serrant entre ses doigts ces bouts d’étoffe râpée, il éprouve peut-être la même émotion qu’en feuilletant les pages d’un livre rare ou les papiers froissés d’un manuscrit miraculé. Quelque chose qui ne devait pas disparaître est venu à lui«
Comme est venu à nous le récit passionnant d’une précieuse…recherche.
Apolline Elter
Le manteau de Proust. Histoire d’une obsession littéraire, Lorenza Foschini, essai, traduit de l’italien par Danièle Valin, Ed. Quai Voltaire, sept 2012, 160 pp, 15 € (+ illustrations)
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