« Tout commence par un coup de téléphone. »
Un appel, en direct du Vatican, qui invite le célèbre écrivain à rejoindre un groupe de pèlerins en Terre Sainte.
Il serait incongru de refuser pareille sollicitation . Et c’est ainsi qu’Eric-Emmanuel Schmitt se rend à Nazareth -première étape du périple- muni de sa seule bible en guise de lecture.
Il intègre un groupe de croyants en provenance de ‘île de La Réunion.
Nous conviant par la magie d’une écriture simple, nette, avenante à confronter les lieux historiques de vie du Christ – ou donnés pour tels – à ses propres visions, sentiments et foi, le philosophe revisite, de concert, les Evangiles. Il nous propose, partant, de cheminer vers Dieu, au départ de l’homme en intégrant son lot de doutes, de déceptions, d’imperfections. La démarche est aimable qui s’écarte de la vision d’une perfection divine et écrasante, enseignée par la religion.
Et c’est ainsi que le lecteur chemine littéralement aux côtés d’un guide des plus accessibles, un être qui (se) pose les bonnes questions; spirituel dans toutes les acceptions du terme.
« Je pensais traverser Jérusalem : Jérusalem m’a traversé »
Tel est le coeur du propos et du défi de Jérusalem,
En quoi consiste-t-il?
Il consiste, pour la ville, à dresser un pont de paix entre les trois religions, catholique, juive et musulmane qui y ont élu domicile et, pour Eric-Emmanuel Schmitt, à discerner, derrière son arrogance citadine première « l’harmonie paradoxale qui se dégage de [sa] profusion », à la traduire en mots pour transmettre un message de sagesse, de syncrétisme et d’union.
« Jérusalem. Elle nous nargue en incorporant ses strates plurielles, en juxtaposant les synagogues, les églises, les mosquées. Rare lieu au monde que les trois monothéismes considèrent comme saint, elle brandit une triple légitimité : le juif y retrouve le Temple, le chrétien le chemin de l’accomplissement christique, le musulman l’esplanade où Abraham sauva ultimement Ismaël, où Mahomet vola en songe, puis d’où, à la fin de son existence, il monta au paradis sur un cheval ailé. »
« Jérusalem nous réveille. Ou plutôt Dieu à travers elle. »
Mission accomplie
Sa Sainteté Le Pape François y est sensible qui convoque le pèlerin pour un colloque singulier, lui envoie une lettre datée du 16 février dernier et reproduite en postface du récit.
Un témoignage tonique, vitaminé, qui laisse au lecteur pleine liberté face au mystère de la Foi.
« Le défi que Jérusalem pose encore aujourd’hui au monde est précisément celui-ci : éveiller dans le cœur de chaque être humain le désir de regarder l’autre comme un frère dans l’unique famille humaine. »
Apolline Elter
Le Défi de Jérusalem, Eric-Emmanuel Schmitt, récit, Ed Albin Michel, avril 2023, 224 pp