« Cette lettre n’est pas un roman. Il n’y a pas de personnages. Pourtant je suis en train de te créer et à mon insu tu deviens mon personnage.
Cette lettre n’est pas un roman. Il n’y a pas d’intrigue, simplement un mort au début. »
A René Goscinny, le célèbre scénariste d’Astérix, père chéri et décédé,inopinément à 51 ans, le 5 novembre 1977, au cours d’un examen cardiologique, Anne, sa fille unique, adresse une longue lettre ouverte, quête d’une relation avortée dont elle n’a pas encore fait le deuil.
» Maman est rentrée seule à la maison ce jour-là. Vous étiez partis tous les deux. Un seul trousseau de clefs jeté sur le meuble d’entrée. Tu étais mort. Mort. Voilà.
Une relation transférée sur différents hommes, Victor, le médecin de famille, Christian, André…censés l’aider à devenir adulte.
« Tu sais, papa, c’est dur de devenir adulte sans père. Je ressemblerai toujours à un vieil enfant. L’innocence en moins. Je suis tombée amoureuse quelques fois. Mais toujours avec une idée derrière la tête: te retrouver. »
Si elle n’a pas été immédiatement perçue dans sa matérialité – la jeune enfant avait bénéficié d’une grande protection maternelle – la mort de son père entravera nettement la maturité d’Anne Goscinny, l’amenant à faire « le deuil de celle que je serais devenue si tu n’étais pas mort »
Rejoignant la belle collection épistolaire des « Affranchis » (Nil), l entrecoupée de quelques récits de souvenirs, la missive filiale éclaire, à petites touches d’hommages répétés, d’apaisement escompté, l’intimité d’un homme, un grand, qui a su traduire de façon légère et comique, ce que l’existence porte de tragique.
» Cette lettre est la première et la dernière qui t’est destinée. Je t’ai mis en mots sans tricher. Sans inventer. Les souvenirs qui sont revenus sont maigres et peu nombreux mais ils constituent mon trésor le plus précieux. Maintenant, ils peuvent s’estomper, je les ai couchés, là.
Le bruit des clefs, Anne Goscinny, Lettre, Ed. Nil, coll. « Les affranchisé », sept. 2012, 88 pp, 7,5 €
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