« La maladie déshumanise; elle fait de ces femmes des marionnettes à la merci de symptômes grotesques, des poupées molles entre les mains de médecins qui les manipulent et les examinent sous tous les plis de leur peau, des bêtes curieuses qui ne suscitent qu’un intérêt clinique. Elles ne sont plus des épouses, des mères ou des adolescentes, elles ne sont pas des femmes qu’on regarde ou qu’on considère, elles ne seront jamais des femmes qu’on désire ou qu’on aime : elles sont des malades. Des folles. Des ratées. Et son travail consiste au mieux à les soigner, au pire à les maintenir internées dans des conditions décentes. »
Il ne fait pas bon être taxée d’hystérique en ce début du mois de mars 1885
Eugénie Cléry le découvre à ses dépens, qui se voit interner à la Salpêtrière par son notaire de père.
Les aliénées sont soumises aux méthodes thérapeutiques d’hypnose, conduites par le célèbre et imposant Professeur Charcot; les crises, réprimées au moyen de méthodes barbares.
Petite lueur dans cet univers pour le moins carcéral: le bal de la mi-Carême, organisé dans les murs de l’hôpital. Le Tout-Paris s’y presse, fasciné par la rencontre de ces folles.
Le sont-elles toutes?
C’est la question qui ébranle Geneviève, infirmière méritante et dévouée au service du Professeur Charcot
Un premier roman envoûtant
Apolline Elter
Le bal des folles, Victoria Mas, roman, Ed. Albin Michel, août 2019, 252 pp
Billet de faveur
AE : ce bal des folles que vous évoquez, a –t—il réellement existé ?
Victoria Mas : Absolument. On trouve les premiers écrits évoquant le bal des folles en 1882, et ce jusqu’en 1902. Ce bal a donc été en place à la Salpêtrière durant une vingtaine d’années. Il s’est ensuite fait oublier au cours des décennies suivantes, jusqu’à devenir un fait largement méconnu aujourd’hui.
AE : Le regard portée sur l’aliénation est sans pitié, à l’époque. On a l’impression qu’aucun malade peut s’en sortir, réintégrer la société dite « normale « :
Victoria Mas : Il est difficile d’énoncer des statistiques puisqu’aucun recensement n’avait lieu à l’époque. D’après mes recherches, la situation des femmes était variable : certaines en ressortaient après avoir été soignées ; d’autres, sorties également, y revenaient aussitôt ; certaines n’en sortaient pas. La Salpêtrière pouvait être un lieu de confort pour quelques internées, qui s’y sentaient protégées du monde extérieur ; d’autres n’avaient tout simplement pas les outils pour fonctionner au sein d’une société qui les avait ostracisées.