L’abandon des prétentions

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 C’est avec humour que Blandine Rinkel, attributaire de la Bourse découverte, décernée le 5 octobre par la Fondation Prince Pierre de Monaco, des mains de sa Présidente, S.A.R la Princesse de Hanovre (as Caroline de Monaco)  pour son premier roman, L’abandon des prétentions, souligna l’inadéquation apparente du titre…

Avec en point de mire, le portrait de sa mère, Jeanine, sexagénaire, frais retraitée,   Blandine Rinkel révèle, en effet, une belle plume, tantôt ciselée à la façon d’un orfèvre, tantôt déliée sur un mode plus récréatif . .et créatif , pétrie de métaphores inventives et d’un humour mâtiné de tendresse.

C’est qu’on a bien envie de la connaître, cette Jeanine, généreuse, loufoque, inattendue, « femme-oreille » qui apprend l’arabe sitôt sa retraite entamée, fait de sa cuisine fuschia un lieu d’écoute sociale et de confidences, administrant aux écorchés de la vie  force crèpes et cidre.

Il lui arrive d’être grugée mais la « douceur l’emporte toujours sur la méfiance. » , de ne savoir que dire –  Jeanine, agitant vainement sa cuillère dans sa tasse sèche , fixait Moussa avec un regard compliqué, à la fois vide et grave, ignorant mais concerné ».- mais elle se donne tout entière avec une candeur aussi jubilatoire que désarmante.

Une coeur simple? 

Oui mais sur un mode volontaire. Assumé.

 » Contre la tyrannie des ambitions, elle a préféré affiner sa part sensible : plutôt que les dîners à plusieurs, elle choisissait les tête-à-tête, au champagne qui frappe préférant le cidre doux ; plutôt que de s’inscrire au concours pour l’agrégation, qu’on lui conseillait de passer, elle apprit la peinture et effeuilla des livres d’histoire »

Sujet d’observation, d’étonnement, d »étude déconcertée pour sa fille, Jeanine jaillit de ce portrait dans toute la splendeur de son altruisme et d’une sagesse peu commune.

Elle devient oeuvre d’art,  mirée dans le regard adulte, pénétrant et aimant de la narratrice,  mue créatrice par une  sorte d’inversion de leurs autorités respectives 

« Peut-on en vouloir à quelqu’un de ne jamais en vouloir à personne

Une lecture subtile, drôle, bienveillante, bienfaisante .. hautement recommandée.

Apolline Elter

   L’abandon des prétentions, Blandine Rinkel, roman, Ed. Fayard, janvier 2017,  248 pp

Billet de faveur

AE :  Tout entière dévouée aux tiers, votre mère ne paraît pas avoir une grande estime d’elle-même. Ce n’est pas son propos ; Comment a-t-elle réagi à l’annonce de l’attribution du prix et de la bourse découverte de la Fondation Prince Pierre de Monaco ?

 Blandine Rinkel : – Jeanine n’a pas grande préoccupation de son propre ego, mais ça ne l’empêche en rien de se réjouir quand quelque chose de réjouissant et d’étonnant advient, comme l’obtention d’un prix – fusse un prix pour un livre dont elle est le centre. L’ironie joyeuse de ce prix décerné dans l’Opéra Garnier de Monaco pour un livre portant le titre  « L’abandon des prétentions » l’a amusée et émue,  elle voulait en savoir plus, sur la cette ville, ses humains, le Palais, les paysages, les protocoles et les cérémonies. Le réel est cocasse et porteur de mille histoires : l’obtention de ce prix en était une nouvelle, un récit à broder, une petite odyssée, et sur ce point, ma mère et moi sommes semblables, avides d’épopées minuscules comme celles qui grouillent partout à Monaco, donc sans hésiter : joie. 

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Blandine Rinkel  (au centre) attributaire de la Bourse découverte attribuée, ce 5 octobre dernier, par la Fondation Prince Pierre de Monaco