Ne cherchez plus la sonate de Vinteuil, la musicologue Jérôme Bastianelli l’a retrouvée ! Et qui plus est, il prête vie à son auteur, une certain Georges V., né à Versailles, le 10 décembre 1817.
Leitmotiv de la célèbre Recherche du temps perdu, ( de Marcel Proust, of course) la fameuse sonate stigmatise l’amour que Charles Swann porte à Odette de Crécy. Elle fait office de « madeleine » musicale, le narrateur tentant de retrouver l’émotion, la liesse sensuelle de son interprétation dans le salon des Verdurin.
Biographe de Bizet ( Georges de son prénom…) , de Tchaikovski, Mendelssohn,.. le proustien Jérôme Bastianell a décidé d’incarner le discret, un peu sombre, héros – chapeau ! – de La Recherche et d’inscrire sa biographie -ficitve faut-il le préciser – dans le contexte précis de l’époque. Le rendu est bluffant et l’on se prend à remercier le romancier d’avoir extrait pareil génie de l’oubli:
« Vinteuil connut alors une gloire posthume aussi vive qu’éphémère, même si elle fut ravivée lors de la parution des différents volumes d’À la recherche du temps perdu, entre 1913 et 1927. Pauline décéda accidentellement en 1912, léguant tous ses biens, dont les manuscrits de son père, à Jacqueline Ferroy. Celle-ci, vieille dame sans descendance, en fit don à l’État, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mais Vinteuil était alors passé de mode ; sa musique, à part la Sonate pour piano et violon et le Septuor, était tombée dans l’oubli »
Ami de César Franck, de cinq ans son cadet, il le conseille, i’influence, ainsi que Gabriel Fauré,, Camille Saint-Saëns, Piotr Illitch Tchaikovski, … Son Septuor aurait même inspiré le premier mouvement du poème symphonique La mer, de Claude Debussy
Nourrissant son propos d’archives prétendûment mises au jour en 2009 , des Mémoires de mon père, un tantinet « hagiographiques » publiées par sa fille Pauline, et de toutes les mentions de Vinteuil figurant dans La Recherche et ses brouillons,, Jérome Bastinelli incarne magistralement de chair, d’os et de sentiments, un personnage en retrait.
Se non è vero…
Il conclut le roman des note justificatives qui permettent au lecteur de faire le départ entre la réalité historique et celle de la fiction.
La lecture savoure le caractère jubilatoire de l’exploit d’écriture
Apolline Elter
La vraie vie de Vinteuil, Jérôme Bastianelli, roman , Ed. Grasset, janvier 2019, 272 p