« Cet air-là, ce que j’ai vu sur le visage de Gilles, ça n’était pas lui. Ça sentait le sang et la mort. Ça m’a rappelé que la bête rôdait et qu’elle dormait dans ma maison. Et j’ai compris qu’elle vivait désormais à l’intérieur de Gilles.
Mes parents n’ont rien vu. Mon père était trop occupé à commenter la télé à ma mère et ma mère était trop occupée à avoir peur de mon père. »
C’est un roman très remarqué de la rentrée littéraire, un coup de maître(sse) pour la primoromancière belge, Adeline Dieudonné.
Décrypté par le regard d’une enfant – la narratrice a 10 ans au début du récit – le monde adulte semble bien inapte à profiler « la vraie vie »; Son père est violent, toxique, prédateur, pervers, sa mère, « amibe », transparente, et les fées ne sont plus ce qu’elles étaient. Le fait est d’autant plus dramatique que la jeune héroîne veut sauver Gilles, son petit frère de six ans, du traumatisme d’avoir assisté à un accident sordide. La mort est entré en lui , telle l’hyène empaillée qui occupe la chambre des cadavres de la maison familaie
» S’il existait la moindre possibilité de revenir en arrière, je devais la trouver et l’exploiter. Pour retrouver le rire de Gilles, ses dents de lait, ses grands yeux verts »
Alors avec toute la fougue, la naïveté que son âge lu confère, l’enfant entreprend de construire une voiture à remonter le temps, celui d »avant l’accident.
Elle se passionne pour Marie Curie, veut s’y identifier, va suivre des leçons auprès d’un vieux, bienfaisant physicien, adepte de la téléportation.
Elle mûrit aussi. Dévient une jeune fille capable de sonder la fragilité de son père sous sa folie sanguinaire…
Un roman fort, percutant, décapant, d’intensité d’autant plus dramatique qu’il est porté par la voix d’une enfant, , subtil mélange d’innocence, de clairvoyance , de suggestivité.
Apolline Elter
la vraie vie, Adeline Dieudonné, roman, Ed. L’Iconoclaste, août 2018, 266 pp