Connaissez-vous cette belle histoire attribuée à l’écrivain Franz Kafka?
Tandis qu’il séjourne à Berlin auprès de sa chère Dora Diamant, fatigué par la maladie – nous sommes en 1923, à un an de son décès- l’écrivain tchèque rencontre, dans un parc, une enfant désespérée par la disparition de sa poupée. Kafka entreprend de la consoler, lui révélant que sa poupée est justement partie en voyage et qu’elle va écrire à la petite fille.
Trois semaines durant l’écrivain remettra à la petite fille les lettres quotidiennes de sa chère poupée; un jour, il lui faudra arrêter le commerce: il annonce alors à l’enfant que la poupée s’est mariée et qu’il lui devient difficile de poursuivre la correspondance; la petite accepte l’explication sans autre forme de procès.
Vérité ou légende? Les lettres n’ont jamais été retrouvées et leur existence tient au seul témoignage de Dora Diamant et aux confidences faites à deux personnes de son entourage.
Qu’importe, il y a matière à prolongation romanesque.
Fabrice Colin ne s’en prive pas qui imagine retrouver l’attributaire des lettres de la fameuse poupée. Elle s’appelle Else Fechtenberg, nonagénaire aussi alerte que revêche, juive allemande « blessée aux couleurs de la vie » et d’une guerre 40-45 particulièrement cruelle pour les siens.
Tandis qu’elle séjourne à Berlin, Julie Spileler découvre l’existence de la vieille dame et entreprend de l’apprivoiser -la tâche est abyssale- afin qu’elle lui révèle le secret des missives kafkaïennes. L’enjeu pour la jeune fille est de faire part de ce prodige à son père, obsessionnel passionné de l’écrivain et de conduire partant leurs relations distendues vers de plus favorables horizons.
La poupée de Kafka, Fabrice Colin, roman, Ed. Actes Sud, janvier 2016, 272 pp
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