– Il Y a une bête au Tibet que je poursuis depuis six ans, dit Munier. Elle vit sur les plateaux. Il faut de longues approches pour l’apercevoir. J’y retourne cet hiver, viens avec moi. «
Invité par le photographe animalier Vincent Munier à observer la panthère des neiges, un félin souverain – elle vit entre 4 et 5000 mètres d’altitude – et rare – il ne resterait que 4 à 5000 membres de l’espèce ,- Sylvain Tesson va traverser le Tibet, réaliser une expérience existentielle: celle de la patience, de l’attente et de l’incertitude, en un mot , de l’affût. Une posture rendue inconfortable par l’altitude et le froid extrême, qui met à mal notre impatience congénitale, notre exgence du ‘tout, tout de suite. »
Une leçon d’humilité également
Savoir disparaître relevait de l’art. Munier s’y était entraîné pendant trente ans, mêlant l’annulation de soi à l’oubli du reste. Il avait demandé au temps de lui apporter ce que le voyageur supplie au déplacement de lui fournir ; une raison d’être. |
L’apparition de la panthère revêt un tour mystique, elle oppose à ses obligés un souverain mépris, réfléchit en miroir leur condition de vie humaine.
Sublimé par une plume sensible et efficace, le récit de Sylvain Tesson est leçon d’existence.
Tout simplement
L’affût commande de tenir son âme en haleine. L’exercice m’avait révélé un secret: on gagne toujours à augmenter les réglages de sa propre fréquence de réception. Jamais je n’avais vécu dans une vibration des sens aussi aiguisée que pendant ces semaines tibétaines. Une fois chez moi, je continuerais à regarder le monde de toutes mes forces, à en scruter les zones d’ombre. Peu importait qu’il n’y eût pas de panthère à l’ordre du jour. Se tenir à l’affût est une ligne de conduite. Ainsi la vie ne passe-t-elle pas l’air de rien. On peut tenir l’affût sous le tilleul en bas de chez soi, devant les nuages du ciel et même à la table de ses amis. Dans ce monde, il survient plus de choses qu’on ne le croit. »
Une lecture recommandée
Apolline Elter
La panthère des neiges, Sylvain Tesson, récit, Ed. Gallimard, septembre 2019, 168 p