« Changer une lettre, voilà le secret de la littérature »
Le titre est ambitieux, le propos ne l’est pas moins: la rencontre de deux génies de la littérature, Marcel Proust et James Joyce, une nuit de mai 1922 et le « coup de foudre » illico suscité. Voilà qui eût pu, à coup sûr, verser l’ouvrage dans le pédantisme le plus absolu.
C’était compter sans Patrick Roegiers et sa verve omni-libérée.
Si la rencontre « historique » des écrivains a bien eu lieu – le 18 mai 1922 – elle ne débouche sur aucun échange verbal ni courant de sympathie. Qu’à cela ne tienne, l’auteur lui greffe un roman tout simplement …exubérant.
Epicurien des mots, insolent, joyeux, prolixe, sautillant, comique, drôle, saoulant, …Patrick Roegiers visite La Recherche et Ulysse, opposant aux génies en présence, celui de son imagination la plus débridée. L’épisode de la madeleine « sur laquelle à partir de réminiscences fulgurantes, sortes d’anamnésies ou rejaillissements inattendus des sensations qu’il qualifiait de souvenirs involontaires, s’était bâtie son abyssale oeuvre » tient du passage d’anthologie.
Farfelu au carré, le roman plonge le lecteur dans un surréalisme à la belge, généreux et fécond et un loufoque à la française qui décoifferait les cantatrices les plus chauves.
La seconde partie du roman s’embrase sur la mort de Marcel Proust et l’hommage anachronique que lui rendent les grands noms de la littérature universelle.
De la haute voltige verbale, farcie de néologismes, truffée d’un sens inné de la formule.
Apolline Elter
La nuit du monde, Patrick Roegiers, roman, Seuil, janvier 2010, 172 pp, 18 e
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