La nuit du bûcher

La Nuit du bûcher

«  Le bois de châtaigner sec prit feu en crépitant et, avant que le nuage de fumée ne recouvre la silhouette dénudée, je vis encore le visage de l’hérétique quelques instants. Ce n’était pas l’enfer ou le ciel qu’il fixait en regardant devant lui, non , ce qu’il regardait était le Néant, comme s’il avait compris que le Néant était la seule réalité et que le reste n’était qu’illusion. Et ce regard était plus terrifiant que s’il s’était lancé dans des malédictions. »

Le texte n’est pas neuf, il fut écrit en 1974 par le célèbre écrivain hongrois;  l’actualité en est la traduction par Catherine Fay, pour compte des éditions Albin Michel.

Le propos est saisissant.

Dépêché de son couvent d’Avila aux fins d’observer les pratiques de l’Inquisition romaine  – nous sommes en 1598 – le narrateur ne sortira pas indemne de cet « audit ». Et même  il ne rentrera pas à Avila, dépêchant à un de ses frères en religion une longue missive- confession qui occupe tout le roman- qu’il envoie d’Helvétie, sa terre d’exil.

Que s’est-il passé ?

La rencontre avec le célèbre hérétique, Giordano Bruno (1548-1600),  ancien dominicain et la stupéfaction devant son irréductible refus d’amendement par-delà les flammes du bûcher feront vaciller la foi du moine, auront raison de toutes ses certitudes…

Impossible pour lui de s’en retourner à Avila.

Sorte de documentaire incisif sur les pratiques de l’Inquisition, le roman de Sándor Márai pose de façon singulièrement contemporaine la question du doute et de sa nécessaire humilité.

La nuit du bûcher, Sándor Márai, roman traduit du hongrois par Catherine Fay, Ed. Albin Michel, nov. 2015, 260 pp