« Margot vient me voir très tôt chaque matin. Elle se lève avant la première lueur du jour, et me sort de ma cache. Elle passe ses mains sur mes pieds, mon ventre, je sens les vaguelettes de la peau sur les os de ses phalanges. Elle me parle comme plus personne ne me parlera après. «
C’est l’histoire d’une fascination et de sa transmission à travers la générations…
La fascination vise une gravure, « la femme-écrevisse » peinte par Le Peintre du siècle d’or hollandais, J ‘ai nommé Rembrandt. Frais veuf, l’artiste est obsédé par son oeuvre qu’il retouche sans cesse. Il communique cette obsession – son art, sa technique à Margot Von Hauser, une jeune gouvernante venue s’occuper de Titus, son nourrisson.
» (…) il veut lui donner ce qu’il a, ne saurait lui léguer plus précieux. Laisser exposer le temps nécessaire, laisser la durée trancher. Lui seul, le peintre de l’Antoniesbreestraat d’Amsterdam pousse aussi loin aujourd’hui dans la gravure ce jeu du hasard. »
Et en effet, Margot se prend au jeu:
« J’aimerais faire la femme-écrevisse. Elle lui lance cette phrase un dimanche de printemps, après plusieurs mois de leurs rituels de gravure. « Ma version de la femme-écrevisse. »
Il arrive que l’élève dépasse le maître:
« Ensuite, après le départ de Margot, il n’aura plus qu’à reproduire ce qu’elle a initié. Après, il devient son imitateur »
La gravure échoit dans la famille Von Hauser et toute sa descendance. Nous la retrouvons dans les années 20 à Berlin, chez Ferdinand Von Hauser, acteur de cinéma muet, en 1999, à Paris, aux côtés de Grégoire Von Hauser.
Un leitmotiv: le pouvoir d’attraction qu’elle exerce, façonne directement le destin de celui qu’elle fascine, elle lui révèle sa part d’irrationnel, de folie et peut dangereusement l’y précipiter …
Apolline Elter
La femme-écrevisse, Oriane Jeancourt Galignani; roman, Ed. Grasset septembre 2020, 400 pp