« Le début des vacances résonne dans la gare et dans ma tête. J’attends que l’on vienne me chercher, mon sac à mes pieds. Le préau de l’arrivée brûle sous un soleil impassible. »
D’emblée, le ton est donné, le décor, campé : le lecteur est propulsé au sein de la famille de Mathilde, la narratrice, et du château que son grand-père gère, en indivision avec ses quatre belles-sœurs : « J’ai couru ici. La maison de mon arrière grand-père rassemble quatre générations et fait le plein la semaine du 15 août. »
Observatrice lucide et bienveillante de ce microcosme familial, aux mœurs joyeuses, élégantes et convenues, la narratrice esquisse une délicieuse galerie de portraits et de conversations croisées, traçant, d’un style maîtrisé, gracieusement imagé, des fresques d’atmosphère et peintures d’ambiance savoureuses.
Un bémol s’immisce , insidieux, dans la partition familiale : mu d’un élan de générosité inconsidérée, Paul, le grand-père, a proposé à Rosana, la bonne, l’accès à la piscine…..
« Rosana et mes grands-tantes s’accordent ce mépris patiné de longues années de cohabitation froide et d’intérêts réciproques.
La faute de goût ?
Un premier roman court et brillant, qui résonne comme un coup de maître.
Apolline Elter
La faute de goût, Caroline Lunoir, roman, Actes Sud – Un endroit où aller, août 2011, 114 pp, 16 €
Billet de faveur
AE : Caroline Lunoir, ce premier roman, qui fleure bon la France et une certaine société « vieille France », vous l’avez écrit, tandis que vous résidiez à Boston. Était-ce par nostalgie du pays ? Mue par la lucidité que procurent les séjours à l’étranger ?
Caroline Lunoir : Je ne me suis effectivement jamais sentie aussi française qu’aux Etats-Unis, comme cela arrive souvent. Frappée par les inégalités de la société américaine, écrire « La faute de goût » a été ma façon de réfléchir, en écho, à celles de la société française et, en particulier, à la permanence des statuts qui me semblent la structurer.
AE : Certains vous comparent (déjà.. !) à Anna Gavalda. Sans doute pour l’ironie tendre, amusée, bienveillante, qui teinte vos portraits. Comment ressentez-vous cette comparaison ?
Caroline Lunoir : Je suis confuse de devoir avouer que je n’ai jamais lu de roman d’Anna Gavalda, même si la couverture de ses livres est familière à tout usager du métro… Il ne me reste donc plus qu’à courir acheter « Ensemble, c’est tout« !
AE : votre madeleine de Proust est –elle enfouie au fond d’une vieille demeure familiale ?
Caroline Lunoir: C’est vrai que l’on emporte avec soi les lieux qui incarnent une permanence dans notre vie ou recèlent les moments qui nous ont façonnés. Ma madeleine réside cependant moins dans des murs que dans une sensation: celle de la confiance sereine, presqu’alanguie, qui libère la parole lors de longues conversations au creux d’un après-midi ou d’une veillée.
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